Il y a 90 ans, le 11 novembre 1926, un drame s’est noué dans le désert mauritanien. Attaqué par des rebelles, des pilotes de l’Aéropostale y ont laissé leur vie, Léopold Gourp, Henri Erable, Lorenzo Pintado…
Les précautions avaient été prises. Les consignes données. Didier Daurat, le chef des opérations, le « patron », avait demandé que les avions passant au dessus du désert mauritanien volent par 2. C’était devenu trop dangereux. Des pilotes contraints de se poser avaient déjà été enlevés, rançonnés, maltraités par les rebelles Maures – opposés à la présence espagnole – écumant la région.
Léopold Gourp est l’un de ces pilotes intrépides de la Compagnie générale d’entreprises aéronautiques (CGEA) – la future « Aéropostale » – fondée en 1921 par Pierre-Georges Latécoère. Embauché depuis deux ans, il est désormais affecté sur la ligne Casablanca-Dakar. A seulement 26 ans, le jeune ingénieur de formation, passionné de mécanique depuis l’enfance, ne manque déjà pas d’expérience.
Dès la fin de la Grande guerre, il a fait l’Ecole de l’Air, obtenu son brevet de pilote et est devenu instructeur (plusieurs actions d’éclat durant le conflit marocain lui ont valu des félicitations et ses premières distinctions).
Et depuis son arrivée chez Latécoère, il n’a cessé de voler. Partageant ainsi avec Mermoz, Saint-Exupéry, Guillaumet et tous les autres la mission et la devise de la poste aérienne : le courrier doit passer.
Ce 11 novembre 1926, aux commandes d’un Bréguet 14, il décolle de Casablanca avec à ses côtés son mécanicien, Lorenzo Pintado.
Dans l’autre avion – également un Bréguet 14 – qui assure avec lui la liaison vers Dakar, le pilote Henri Erable et l’interprète africain Ataf.
Au-dessus du Rio de Oro, en plein désert mauritanien, Gourp décèle un problème de gicleur. Rien d’alarmant, le sable tourbillonnant cause régulièrement ce genre d’incident. Il fait signe à l’autre avion de poursuivre sa route et atterrit pour effectuer la réparation.
Erable n’est sans doute pas tranquille, il décide de faire demi-tour et de se poser. En touchant le sol, une des roues de son appareil se brise, Erable ne peut alors éviter de percuter une aile de celui de Gourp. Les deux avions sont immobilisés. Plusieurs heures d’intervention s’avèrent nécessaires pour les remettre en état (1).
Le survol de la zone par les deux avions, le demi-tour de l’un d’eux ont attiré l’attention de rebelles Maures présents dans le secteur. Trois d’entre eux ne tardent pas à retrouver l’endroit où Gourp, Erable, Pintado et leur interprète s’affairent sur leurs appareils.
Les choses s’enveniment rapidement. Armés de fusils, les rebelles demandent aux quatre hommes de marcher devant eux. Le drame survient : ils abattent Erable et Pintado et blessent grièvement Gourp à la hanche. Le traducteur s’interpose et parvient à les dissuader d’achever Gourp en invoquant la rançon qu’ils pourraient obtenir en échange de sa libération.
Gourp n’est plus désormais en mesure de marcher. C’est ficelé et à dos de chameau que des jours durant il va traverser le désert. Sa blessure le fait atrocement souffrir, la gangrène s’y installe. Il tente de se suicider en absorbant de la teinture d’iode. Ses ravisseurs ayant reçu une rançon (5000 pesetas), il le laisse quasiment pour mort près de Cap-Juby, où Edmond Lassalle, un pilote de la CGEA, lui portera secours.
Aussitôt transporté et hospitalisé à Casablanca, Léopold Gourp trouvera encore la force d’écrire à ses parents début décembre, de raconter ce qui s’est passé.
Il sera amputé le 4 et s’éteindra le lendemain. Un de ses jeunes frères, Louison, a pu l’assister dans ses derniers instants (Mermoz était allé le chercher à Marrakech où le jeune homme effectuait son service militaire).
Didier Daurat lui remettra la légion d’honneur à titre posthume.
Quelques décennies plus tard, un autre hommage, cinématographique cette fois, lui sera rendu. Le drame sera évoqué dans une série télévisée de 1980 réalisée par Gilles Grangier, « L’Aéropostale, courrier du ciel ». Avec l’acteur Robert Etcheverry dans le rôle de Léopold Gourp.
Et le courrier est quand même passé. Quelques jours après le drame, des pilotes sont venus rechercher les sacs. Les avions avaient été détruits, les dépouilles d’Henri Erable et de Lorenzo Pintado n’ont pas été retrouvées. Les lettres sont parvenues à leurs destinataires…
Rodolphe Pays
(1) Il demeure une incertitude dans le déroulement chronologique des faits. Il est aussi possible qu’Erable se soit posé en même temps que Gourp afin de récupérer le courrier. Il aurait alors aussitôt redécollé avant de considérer que la panne de l’avion de Gourp pouvait être plus importante que supposée et nécessitait sa présence. C’est lors de ce second atterrissage que la roue de son avion se serait brisée, entraînant le choc avec une aile de celui de Gourp.
Ville et Mermoz ont tenté de retrouver les pilotes
Deux pilotes de la CGEA, Eloi Ville et Jean Mermoz, ont été envoyés à la recherche de Gourp, Erable, Pintado et Ataf.
Lorsque Ville atterrit sans le savoir à proximité de l’endroit où gisent Erable et Pintado, il est attaqué par des Maures.
Mermoz, resté en l’air, assiste à la scène. Il pique sur les assaillants et réussit à les disperser. Il se pose alors en catastrophe et récupère Ville.
Mermoz sera marqué par cet épisode dramatique : c’est lui devait accompagner Gourp ce 11 novembre 1926 sur la liaison Casablanca-Dakar…
Bientôt un tableau
Le Musée de La Poste a demandé au peintre et dessinateur Jame’s Prunier de réaliser un tableau rappelant les faits et rendant hommage aux quatre hommes attaqués par les Maures.
Spécialiste de l’aviation, l’artiste a déjà peint une toile pour le musée – « Le passage » – évoquant l’aventure de la poste aérienne en Amérique latine.
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