Evoquer les maisons, toutes les maisons, observées, rêvées, fantasmées… : c’est l’objet de la nouvelle exposition du Musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte-Anne.
Plus d’une centaine d’œuvres – peintures, dessins… – réalisées depuis près d’un siècle et demi par des patients soignés pour des troubles mentaux y sont présentées. Un accrochage passionnant et émouvant…

Il est des lieux dont l’évocation met mal à l’aise. L’hôpital parisien Sainte-Anne est de ceux-là. Mais on aurait tort de s’en tenir là…
Il y a des lieux dont la seule évocation met un peu mal à l’aise, ou prête à sourire d’un air entendu. Des lieux dont on espère ne jamais avoir à franchir les portes. L’hôpital parisien Sainte-Anne est de ceux-là. Les troubles mentaux ou comportementaux que l’on y traite depuis plus d’un siècle et demi ont « logiquement » forgé la réputation inquiétante de l’endroit.
Mais on aurait tort de s’en tenir là comme de s’en tenir à l’écart : s’il est vrai qu’avant tout on y soigne, c’est moins connu, mais on y célèbre aussi la beauté, la créativité, d’innombrables formes d’espaces de liberté…

L’hôpital Sainte-Anne possède un séduisant musée qui propose chaque année deux belles expositions. Celle en cours s’intéresse aux « maisons »…
L’établissement de santé possède en effet en son sein un séduisant musée – le MAHHSA, Musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte-Anne – qui propose chaque année deux très belles expositions (abritées dans de splendides anciennes salles de garde).
Nourries de fonds d’œuvres réalisées sur place par les patients depuis le XIXème siècle ou dans des établissements hospitaliers comparables du monde entier, ces présentations méritent largement le détour.

Deux splendides anciennes salles de garde abritent les expositions du musée…
Celle en cours s’intéresse aux « maisons » et réunit plus d’une centaine d’œuvres picturalement talentueuses et évocatrices des préoccupations, des rêves et des projections mentales de leurs auteurs.
« Dans l’histoire de l’art, peu d’artistes ont fait le choix de ce thème comme sujet principal de leurs travaux, indique Margaux Pisteur, chargée de collection et co-commissaire de l’exposition avec Anne-Marie Dubois, la responsable scientifique du musée. Ce parcours trace le chemin qui mène à la maison, à toutes les maisons, réelles, imaginées, intimes, apaisantes… »

L’exposition « Maisons » réunit plus d’une centaine d’œuvres réalisées par des patients soignés à l’hôpital Sainte-Anne et dans des établissements de santé comparables du monde entier.
L’originalité de la thématique est idéalement illustrée par des œuvres souvent remarquables. Conçues par des patients artistes autant que par des néophytes imaginatifs. Elaborées individuellement ou dans le cadre d’ateliers « d’art-thérapie ».
« A la centaine de créations réalisée par des gens atteints de troubles mentaux, nous avons également voulu associer une quinzaine de travaux sur le même thème exécutés par des artistes contemporains, poursuit Margaux Pisteur. Ce dialogue participe aussi à la volonté de déstigmatiser le regard porté sur les œuvres produites en contexte hospitalier. »

Art brut, asilaire, psychopathologique, peu importe l’appellation qu’on lui donne, c’est de l’art tout court qui est présenté dans cet accrochage.
Art brut, art asilaire, art psychopathologique, peu importe l’appellation que l’on peut rattacher à ces peintures, à ces dessins, c’est d’art tout court dont il s’agit.
Toutes techniques et moyens confondus (gouache, aquarelle, fusain, encre, feutres, stylos à bille, crayons… ), ces œuvres témoignent du quotidien concret ou fantasmé d’hommes et de femmes qui ont parfois passé l’essentiel de leur vie internés.

Des œuvres qui témoignent du quotidien concret ou fantasmé d’hommes et de femmes qui ont parfois passé l’essentiel de leur vie internés.
Y sont dépeints les ateliers d’activité organisés dans ces établissements de soins mentaux (arts plastiques, couture… ), les espaces techniques (cuisines, buanderie… ), les lieux de détente (salle de jeux, de repos… ).
Les bâtiments hospitaliers y sont aussi largement reproduits, sous divers angles, parfois enrichis de « didascalies » de l’auteur, indiquant avec précision par exemple la nature de travaux nécessaires à entreprendre…

Bâtisses construites, déconstruites, habitées, désertes, en couleur, en noir et blanc, abstraites, figuratives…
Et puis, on franchit les murs de l’hôpital, pour se projeter vers d’autres demeures, d’enfance, oniriques, espérées… Des églises au centre de villages, des châteaux… Des jardins, et des intérieurs, avec leurs meubles, leurs « natures mortes »… Des scènes champêtres, familiales…
La palette est riche, les talents multiples : bâtisses construites, déconstruites, habitées, désertes, en couleur, en noir et blanc, abstraites, figuratives…

Les œuvres ne sont pas toutes signées. C’est aussi le mérite de cette exposition que de faire « revivre » ces anonymes dont on a perdu la trace, dont on ignore désormais tout.
Ces œuvres ne sont pas toutes signées. Et ce n’est pas le moindre mérite de cette exposition que de faire « revivre », via leurs travaux, ces anonymes dont on a perdu la trace, dont on ignore désormais tout.
Oui, on aurait tort d’hésiter à franchir les portes de l’hôpital Sainte-Anne. D’abord parce que cette exposition, par sa qualité et son originalité, ne peut que ravir les amateurs d’art. Et aussi parce que, au sortir de l’accrochage, il fait bon passer un moment dans les jardins, les allées, les galeries parsemés d’autres œuvres d’art de ce lieu singulier…
Rodolphe Pays
Maisons, jusqu’au 17 avril 2022, au Musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, Paris 14ème. Ouvert du mercredi au dimanche de 13 h à 19 h. Plein tarif, 5 euros, gratuit pour les Amis du musée, les moins de 26 ans, les demandeurs d’emploi… (Tél. : 01 45 65 86 96).
En savoir plus : https://musee.mahhsa.fr/
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Un catalogue enrichi de la biographie des artistes
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Les éditions In Fine ont réalisé pour l’exposition Maisons un catalogue particulièrement intéressant. Si l’ouvrage reproduit avec soin les tableaux et dessins exposés, il s’attache aussi à rendre hommage (quand cela a été possible, les auteurs d’un certain nombre d’œuvres n’ayant pu être identifiés) à chacun des artistes présents.
Ces courtes biographies permettent ainsi de retracer leurs parcours de vie et de création. Et leur lecture est édifiante : réunis par leurs mêmes tourments, s’y côtoient des fils de famille éduqués, des artistes « empêchés », des autodidactes…
Le catalogue donne aussi la transcription des quelques écrits partiellement illustrés qui figurent dans l’exposition.
Catalogue co-édité par le musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte-Anne et In Fine Editions, 165 pages, 25 euros. Disponible à la boutique du MAHHSA et en librairie.

En savoir plus : In Fine – Éditions d’art (infine-editions.fr)
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1 Réponse to “Des maisons peintes avec soins…”