
Les oeuvres d’Arnaud Nowart exposées à l’orangerie du château d’Auvers-sur-Oise prolongent les tableaux de Van Gogh, se les approprient, s’y fondent.
Vincent Van Gogh a entretenu beaucoup de liens avec la Poste. Il recevait et envoyait d’abord beaucoup de courrier. Des colis aussi. Son frère Théo en particulier lui faisait parvenir fréquemment le matériel dont il avait besoin pour peindre. Et lors de son passage en Provence, il avait sympathisé avec un facteur, Joseph Roulin. Au point d’en faire le portrait, ainsi que celui de sa femme et de ses trois enfants. A Auvers-sur-Oise, où il a passé les derniers mois de sa vie, Van Gogh a beaucoup peint et aussi continué d’écrire. Une exposition actuellement proposée dans la maison du docteur Gachet, resté proche du peintre durant son séjour dans le village du Vexin, présente ainsi plusieurs documents autographes de Van Gogh. L’accrochage s’inscrit dans le cadre de la Saison culturelle 2014 organisée à Auvers-sur-Oise. Au delà des « incontournables » – château, église, auberge, cimetière… -, les initiatives ainsi prises chaque année par la ville pour dynamiser son offre culturelle sont autant de très bonnes raisons de faire le déplacement. Visite guidée et ciblée.
Auvers-sur-Oise est toujours un peu déserté l’hiver. A tort. Le célèbre village du Vexin reste attrayant sous toutes les lumières. Les ciels tourmentés, les sols enneigés, les façades éteintes ou brumeuses lui vont bien. Alors que les beaux jours reviennent, le photographe Olivier Verley en fait une saisissante démonstration. Les tirages argentiques qu’il expose depuis quelques semaines au musée Daubigny d’Auvers-sur-Oise revisitent ainsi le lieu avec force et profondeur.

Fidèle à l’argentique et au grand format, Olivier Verley expose au musée Daubigny des photos qui racontent un autre Auvers-sur-Oise.
Des visions différentes, plus sombres, mais pas moins belles – et pas toujours forcément si éloignées – que toutes celles habituellement proposées aux visiteurs de la commune via les impressionnistes ou encore Van Gogh. L’église du village, les plaines qui le surplombent, le cimetière, les tombes de Vincent et Théo… Le plus souvent en noir et blanc, qui selon l’artiste permet « d’interpréter sans outrager ».
Et dans des salles attenantes du musée, une autre exposition temporaire. Des peintures, cette fois. Des tableaux contemporains qui évoquent le Vexin et la Provence, régions toutes deux attachées à Van Gogh. Une manière d’hommage à l’hôte emblématique d’Auvers. Tournesols de Guillaume Corneille ou de Denise Bourdouxhe, Iris d’Hélène Legrand, Alpilles de Joseph Alessandri ou de Françoise Bizette…
Ces deux accrochages proposés au musée Daubigny (qui comprend également des salles de collections permanentes dédiées à Daubigny et aux arts contemporains, naïf et animalier) s’inscrivent dans le cadre de la saison culturelle 2014 d’Auvers-sur-Oise. Une saison consacrée à… Van Gogh. Et qui se prolongera en 2015 pour marquer le 125ème anniversaire de la mort du peintre. Si le thème – certes légitime – est sans surprise, le contenu de la saison en revanche comporte de vraies audaces.
Comme celle qu’abrite l’une des orangeries du château-musée de la commune (qui propose par ailleurs toute l’année un remarquable – son tarif aussi – parcours en image et en musique intitulé « Au temps des impressionnistes »). Ces caves souterraines accueillent en effet une quarantaine d‘œuvres du street artiste Arnaud Nowart. Toutes réalisées à l’attention des institutions culturelles d’Auvers. Beaucoup d’entre elles font référence à Van Gogh, prolongent des tableaux du maître hollandais, se les approprient, s’y fondent. Avec force couleurs, contrastes, interpellations.
Il faut dire qu’entre Nowart et Van Gogh, c’est déjà une longue histoire. Ils se côtoient en effet régulièrement depuis 1995. Nowart découvre alors par hasard que l’usine désaffectée dans laquelle il avait quelques années auparavant installé son atelier a été peinte par Van Gogh. C’est pour lui comme une révélation.
Depuis, le street artiste, venu au départ du hip-hop et aujourd’hui pluridisciplinaire – il est aussi sculpteur, vidéaste, travaille pour le théâtre, le cinéma… -, chemine régulièrement en compagnie de Van Gogh. « J’ai été partout où il est passé, je me suis imprégné de ces endroits, raconte-t-il, j’aime la puissance de ses portraits, et dans mon propre travail j’aime me confronter à eux. »
Autre lieu à Auvers où les couleurs ne manquent pas, le musée de l’absinthe (dont les collections permanentes sont également associées à la saison culturelle 2014). On les retrouve autant sur les affiches d’époque -délibérément féminines – assurant la promotion du breuvage « maudit » que sur celles alertant de ses dangers. Sur de splendides fontaines et verres à dégustation aussi, comme sur de nombreux objets publicitaires plus réjouissants les uns que les autres.
Plus « gris », mais pas moins savoureux, les récépissés d’actions de la Société anonyme des absinthes françaises ou encore les certificats d’authenticité de la boisson controversée. Et des gravures, de Daumier, de Pascin… « Elles ne sont pas exposées ici, mais Van Gogh a réalisé quatre toiles où l’absinthe apparaît, indique Marie-Claude Delahaye, la directrice du musée, lui-même, durant son séjour à Auvers, n’en buvait que modérément, et toujours semble-t-il coupée de beaucoup d ’eau. »
Une consommation raisonnable que devait sans doute approuver le docteur Gachet, résident d’Auvers-sur Oise, qui s’est occupé de Van Gogh dès son arrivée au village en mai 1890 jusqu’à sa mort le 29 juillet. Toujours dans le cadre de la saison culturelle 2014, la maison du médecin abrite aussi une exposition temporaire. Différents manuscrits et documents liés à l’activité professionnelle du praticien y sont d’abord présentés : des cartes attestant de sa qualité de médecin spécialiste des maladies nerveuses, de son appartenance à l’unité de soins « L’ambulance du Grand Orient de France », des dessins des « folles » de la Salpêtrière…
Et d’autres évoquent sa passion pour les artistes et la peinture (lui-même était un peintre amateur acharné) : lettres de Gachet à Pissaro, de Cézanne à Pissaro, de Van Gogh au jeune artiste Anthon Von Rappard (rédigée en néerlandais et illustrée de plusieurs dessins), des panneaux sur les marchands et critiques d’art aussi…
Avec les beaux jours, les visiteurs se pressent à nouveau à Auvers-sur-Oise. Avec raison (s). D’abord la « saison culturelle 2014 ». Et puis aussi les « classiques » : l’auberge Ravoux (avec « la » chambre – sinistre – de Van Gogh, le film « Sur les pas de Van Gogh »), la Maison-Atelier Daubigny (appartenant à la famille Daubigny, elle a été décorée par les enfants du peintre et conçue en partie par Corot), l’église, le cimetière… Et le transport. A peine plus d’une demi-heure le matin au départ de Paris-Gare du Nord. Et même moins d’une demi-heure au retour. Et puis Auvers, Van Gogh le disait lui-même : « C’est gravement beau ».
Rodolphe Pays
Pratique
Musée Daubigny, exposition « Un chemin vers la couleur », jusqu’au 31 août, tarif 4 € (réduit 2 €). Tél. : 01 30 36 80 20.
Château d’Auvers-sur-Oise, orangerie-sud, exposition « De l’impressionnisme au Street Art », œuvres de Nowart, jusqu’au 21 septembre, tarif 4 € (réduit 2 €). Tél. : 01 34 48 48 48.
Musée de l’Absinthe, ouvert jusqu’au 2 novembre, tarif 5 € (réduit 4 €). Tél. : 01 30 36 83 26).
Maison du Docteur Gachet, exposition « Correspondances d’artistes-Lettres de Vincent van Gogh et ses proches », jusqu’au 6 juillet, entrée libre. Tél. : 01 30 36 81 27.
Maison-Atelier Daubigny, ouvert jusqu’au 13 juillet puis du 15 août au 26 octobre, tarif 5 € (réduit 4 €). Tél. : 01 30 36 60 60.
Auberge Ravoux, ouvert jusqu’au 26 octobre, tarif 6 € (réduit 4 €). Tél. : 01 30 36 60 60).
Office du tourisme d’Auvers-sur-Oise, ouvert du mardi au dimanche de 9 h 30 à 12 h 30 et de 14 h à 17 h (18 h d’avril à octobre). Tél. : 01 30 36 10 06.
A lire
« Du graffiti à l’Art in Space », d’Arnaud Rabier Nowart, 25 €, chez Le voyageur éditions.
« Vincent van Gogh à Auvers », le quotidien et le travail de Van Gogh durant les 70 jours qu’il a passés à Auvers, de Wouter van der Veen et Peter Knapp, 45 €, aux Editions du Chêne.
A voir
« Van Gogh, chemins empruntés, 2000-2014 », photos d’Olivier Verley présentées sur son site internet : http://olivier-verley.jimdo.com/paysages-naturels/van-gogh/
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