Archive pour janvier 2016

Musée de La Poste : un pigeon au menu de la restauration des collections

FL 175 PAR 11 Pigeon du siège de Paris 1870Les restaurations des objets qui seront présentés à la réouverture du Musée de La Poste vont bon train.

Parmi les dernières en date, celle d’un pigeon achemineur de dépêches lors du siège de Paris de 1870.

Restauratrice de matières organiques, Yveline Huguet enseigne aussi l'entretien du patrimoine à des élèves d'un lycée professionnel parisien se destinant à des métiers d'art.

Restauratrice de matières organiques, Yveline Huguet enseigne aussi l’entretien du patrimoine à des élèves d’un lycée professionnel parisien se destinant à des métiers d’art.

Quand on lui a présenté l’animal pour la première fois, Yveline Huguet l’a de prime abord trouvé « plutôt bien ». Mais à y regarder de plus près, elle a vite constaté qu’il était en fin de compte « pas mal cassé ».

Rien de surprenant au fond, à bientôt 150 ans, la bête – un pigeon voyageur actif au service de la Poste durant le siège de Paris de 1870 – totalise désormais un nombre respectable d’heures de vol. Et a forcément laissé quelques plumes dans les différentes bagarres – aériennes comme sédentaires – auxquelles il a été mêlé.

Indications figurant sous le socle de présentation du pigeon

Indications figurant sous le socle de présentation du pigeon.

Même si les équipes  de conservation successives du Musée de La Poste, depuis plus d’un demi-siècle qu’il figure dans les collections, se sont efforcées de maintenir le volatile dans le meilleur état possible, une cure de rajeunissement s’imposait.

Et compte tenu de la tâche délicate à accomplir, il importait de faire appel aux services d’un professionnel expérimenté. La restauration du pigeon, qui à deux reprises en novembre 1870 est vraisemblablement parvenu à rentrer dans Paris les ailes chargées de « pigeongrammes » – des microfilms reproduisant des milliers de correspondances -, a ainsi été confiée à Yveline Huguet.

POur Yveline Huguer,

POur Yveline Huguer,

Etape préalable pour cette spécialiste du traitement des matières organiques : établir un diagnostic.

« En raison de l’âge de l’animal, des périodes de stockage et d’exposition, des manipulations, il s’est avéré dès les premières constatations que plusieurs soins et réparations étaient à envisager, raconte la restauratrice, le plumage avait souffert, une partie du cou était déchiré et les pattes ainsi que les doigts comportaient d’importantes lésions. »

Le constat posé, il a ensuite fallu déterminer le niveau d’intervention. Retrouver l’authenticité originelle, reconstituer totalement ou partiellement les parties abîmées tout en sauvegardant l’aspect actuel, simplement préserver l’existant… ?

« Lorsqu’il s’agit de travailler sur un spécimen historique comme celui-ci, avec une forte valeur patrimoniale, être trop interventionniste comporte des risques, celui de dénaturer, d’enlever une part de la personnalité de l’animal, de sa charge émotionnelle, explique Yveline, c’est pourquoi, avec la conservation du musée, nous avons opté pour une restauration réparatrice et un embellissement qui régénère sans masquer toutes les marques du temps. »

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Yveline Huguet s’est attachée à préserver les différents cachets apposés sur l’animal : ici, celui de son propriétaire, Edouard Cassiers.

Yveline a ainsi d’abord nettoyé le pigeon. En préférant des opérations « à sec » plutôt que des traitements à base de solvants, qui auraient risqué d’endommager les plumes.

Et elle s’est naturellement attachée à préserver les différents cachets postaux apposés sur l’animal à l’occasion des deux acheminements dont il avait eu la charge : celui de son propriétaire, Edouard Cassiers, colombophile qui a fourni à l’époque de nombreux pigeons, timbre à date du 23 novembre 1870, numéro de série des dépêches transportées…

« J’ai remplacé certaines plumes qui avaient disparu par d’autres prélevées ailleurs sur le corps du pigeon, j’ai aussi colmaté les déchirures, explique Yveline, il a également fallu refixer un doigt qui s’était détaché. » Restait à traiter les couleurs. Celles des pattes, du bec, du tour des yeux. « Pour ce type de besoins, on privilégie plutôt l’aquarelle, indique la restauratrice, et sur le choix des teintes, on se réfère aux modèles que l’on peut trouver notamment sur internet. »

Pour toutes ces opérations, Yveline utilise une multitude d’outils : nébuliseurs, petites éponges pour agripper les poussières, pinceaux de toutes sortes, peignes, brosses… Pas moins de trois journées de travail auront ainsi été nécessaires pour redonner au héros du siège de Paris un peu de sa splendeur. A l’issue desquelles Yveline a un remis un rapport au musée précisant chacune des étapes de son intervention. Un document que le pigeon n’a cette fois pas pris sous ses ailes…

Rodolphe Pays

(Photos Thierry Debonnaire)

Le goût de la découverte

Yveline Huguet a rerstauré pour le LO>Uvre-Lens une momie de crocodile.

Yveline Huguet, à gauche, a restauré pour le Louvre-Lens une momie de crocodile.

Restauratrice de matières organiques, Yveline Huguet redonne de la vie et des couleurs à des animaux aussi différents que les oiseaux, les mammifères, les crustacés, les coquillages, les insectes…

Elle met son savoir-faire au service de musées comme celui du quai Branly ou du Louvre-Lens ou encore de galeries ou de zoos. Sans pratiquer elle-même cette discipline, elle travaille aussi pour des passionnés de taxidermie. Et elle forme par ailleurs des jeunes d’un lycée professionnel parisien aux techniques de l’entretien du patrimoine.

Yveline HuguetSi elle œuvre aujourd’hui dans un environnement qui tient tout à la fois du laboratoire médical et de l’atelier d’artiste, Yveline Huguet n’a pas toujours mené des activités professionnelles sédentaires.

Elle a ainsi d’abord exercé le métier d’infirmière, notamment en Afrique et en Asie. Elle s’est aussi occupée de rapatriement sanitaire. Son goût de la découverte, elle l’a également satisfait en étudiant des langues orientales, puis l’archéologie. Et c’est en 2005 qu’elle a obtenu ses diplômes de restauratrice et démarré une nouvelle aventure.

Odon Vallet : « Je dis souvent à ces jeunes, ne me remerciez pas, c’est moi qui vous remercie »

1739177Enseignant, conférencier, Odon Vallet est régulièrement sollicité par les médias pour parler de l’histoire des religions dont il est un des spécialistes reconnus. Il est aussi à l’origine d’une Fondation qui soutient la scolarité et les études de jeunes béninois, vietnamiens et français.

Odon Vallet évoque cette expérience menée depuis plus de 15 ans et réagit à l’initiative du Musée de La Poste de proposer des animations associant apprentissage du français et, via le timbre, valeurs de la République.

La Fondation que vous avez créée en 1999 vient en aide à des étudiants béninois, vietnamiens et français. Comment ce projet est-il né ?

Mon père était issu d’une famille ouvrière, d’un milieu vraiment modeste, et il lui a été particulièrement ardu de mener ses études. Il est mort alors que j’étais encore très jeune. Bien plus tard, lorsque la société d’assurance dont il était le directeur général a été vendue en 1989, j’ai reçu et géré son héritage. Et c’est après dix ans de réflexion que j’ai décidé de bâtir cette Fondation, de consacrer des moyens au soutien – ici en France, mais aussi au Bénin et au Vietnam – de jeunes gens très méritants dont les familles connaissent des difficultés. Je l’ai fait en pensant à mon père, à son parcours, au mien aussi, c’est à la fois un hommage et une manière de rendre un peu de ce qui m’a été accordé.

Les jeunes qui suivent leur cursus à Paris, auxquels votre Fondation a attribué des bourses, se destinent à des carrières scientifiques ou artistiques. Qu’est-ce qui a prévalu au choix de ces filières ?

648x415_odon-vallet-historien-journaliste-specialiste-religions-24-septembre-2009-a-parisL’idée de départ était, dans toute la mesure du possible, de se positionner là où apparaissent les besoins. La plupart des écoles d’arts appliqués accueillent des jeunes venus de province et de l’étranger par exemple, et elles ne disposent pas d’internat. Il nous a paru opportun de soutenir un certain nombre de ces élèves, dont peut-être de futurs graveurs de timbres-poste.

Les étudiants béninois et vietnamiens se tournent eux davantage vers les domaines scientifiques, c’est pourquoi nous les appuyons dans leurs parcours au sein d’établissements comme le lycée Louis-le-Grand ou l’Ecole polytechnique. Moi qui ne suis ni artiste, ni scientifique, ces orientations me donnent par ailleurs la satisfaction de m’ouvrir à des formes de pensée que j’ignorais complétement. Et elles mettent aussi à l’abri de tout conflit de personne.

Sur quels critères sont retenus ces jeunes gens ?

Odon Vallet suit régulièrement les jeunes auxquels il apporte son soutien. Ici, à Paris, avec des étudiants béninois (Photo J. Torregano pour Jeune Afrique)

Odon Vallet suit régulièrement les jeunes auxquels il apporte son soutien. Ici, à Paris, avec des étudiants béninois (Photo J. Torregano pour Jeune Afrique).

Les bourses qui sont remises – qu’elles favorisent des études menées au Bénin et au Vietnam ou ici en France – ne le sont qu’à des élèves au préalable sélectionnés sur la base de leurs résultats scolaires, de leur potentiel et de la motivation dont ils font preuve.

Cette exigence porte ses fruits : 98 % de ceux que nous épaulons obtiennent leurs diplômes. Depuis plus de 15 ans que nous menons cette action, nous avons eu la joie d’accompagner 185 polytechniciens et plus de 300 détenteurs de médailles aux différentes Olympiades internationales, qu’il s’agisse de mathématiques, chimie, physique…

Les étudiants que vous aidez ont-ils les mêmes motivations, les mêmes attentes ?

Cérémonie de remise de bourses à Hô Chi Minh-Ville (photo Dan Huong/CVN).

Cérémonie de remise de bourses à Hô Chi Minh-Ville (photo Dan Huong/CVN).

Ces jeunes ont en commun d’être issus de milieux défavorisés. Et ils sont par ailleurs d’origine, de culture, de tradition et de formation diverses. Leurs motivations sont nourries de ces différences. Ceux qui ont choisi les métiers d’art sont naturellement mus par la passion des techniques, des disciplines qu’ils abordent, par la créativité.

Pour un certain nombre de béninois et de vietnamiens, c’est davantage l’élévation sociale qui est recherchée, pour eux et pour leurs familles. C’est la raison pour laquelle ils privilégient souvent les professions d’affaires ou les carrières de dirigeant d’administration ou d’entreprises. Et puis il y aussi ma propre motivation. J’avais peur qu’au fil des ans, elle ne s’émousse. Mais le fort taux de succès obtenu me conforte dans la démarche. Je dis souvent à ces jeunes, ne me remerciez pas, c’est moi qui vous remercie.

Les jeunes étrangers ayant étudié en France mettent-ils leur formation au service de projets dans leur propre pays ?

imagesD’abord, 99% des béninois et vietnamiens aidés étudient dans leur pays et le plus souvent y travaillent ensuite. Concernant ceux venus en France, cela dépend. Pour les africains en particulier, la meilleure façon de servir leur pays n’est pas forcément d’y revenir aussitôt leurs études accomplies. Certains d’entre eux mènent des activités professionnelles, en Europe et aux Etats-Unis par exemple, qui prolongent leur formation et leur permettent d’acquérir une expérience dont ils pourront se servir chez eux plus tard. Il faut aussi tenir compte du fait que parfois il leur arrive d’être un peu considérés dans leur pays comme des sortes de déserteurs.

Au Vietnam, la situation est assez différente, c’est sans doute plus facile pour ceux qui le souhaitent de rentrer chez eux, c’est pourquoi on observe davantage de retours à l’issue de leurs études. Quoi qu’il en soit, c’est le plus souvent une très grande fierté pour les régions d’origine de ces jeunes gens. Un étudiant que nous avons soutenu, premier polytechnicien du Bénin, a ainsi été reçu par le Président de son pays. Et au Vietnam, lors de remises de prix aux jeunes que nous aidons, ce sont des dizaines de millions de téléspectateurs qui suivent la cérémonie à la télévision.

L'animation Aux

L’animation du Musée de La Poste « Aux timbres citoyens ! » favorise apprentissage du français et familiarisation avec les valeurs de la République.

Avec l’animation « Aux timbres citoyens ! », le Musée de La Poste apporte son soutien à des personnes qui souhaitent améliorer leur pratique du français en associant apprentissage de la langue et, via la philatélie, familiarisation avec les valeurs de la République. Que pensez-vous de cette initiative ?

Au-delà des valeurs de la République, j’y ajouterais celles de l’Europe. En s’appuyant également sur les timbres – ces petites œuvres d’art dont la portée symbolique et culturelle est toujours importante – des pays de l’Union. Et également les valeurs de La Poste, celle de proximité notamment. Les facteurs, les agents des bureaux de poste ne figurent-ils pas ainsi parmi les derniers acteurs du lien social ? Montrer des héros aussi, ceux de l’aventure de l’Aéropostale par exemple, Mermoz, Guillaumet, Maryse Bastié, beaucoup de timbres leur ont été consacrés…

Certains de mes boursiers sont des préposés aux postes, ont des parents facteurs, l’univers postal ne m‘est pas étranger, et il peut parfaitement être un support d’approfondissement des connaissances, celle de la langue comme celles de la démocratie, de l’histoire…

Propos recueillis par Rodolphe Pays

 

Les-Enfants-du-miracle-11261-d256Les Enfants du miracle – Des milieux les plus défavorisés jusqu’aux bancs des grandes écoles, d’Odon Vallet (Albin Michel, 2009).

Les Editions Albin Michel rééditent début mars deux ouvrages d’Odon Vallet consacrés aux religions : Petit lexique des idées fausses sur les religions et Petit lexique des guerres de religion d’hier et d’aujourd’hui.

 

 

Les « insolites » du Musée de La Poste : trois hommes dans un ballon… et un pigeon

FL 175 PAR 11 Pigeon du siège de Paris 1870Il s’agit d’une des pièces les plus étonnantes du Musée de La Poste : un pigeon voyageur achemineur de courrier lors du siège de Paris de 1870. Parcours d’un héros anonyme.

C’est un héros que le Musée de La Poste a longtemps présenté au sein de ses collections. Et il le sera à nouveau à l’issue des travaux de transformation du musée. Un héros anonyme, comme ses congénères avec lesquels il a parcouru les 36 kilomètres qui séparent Paris de Luzarches, près de Chantilly. C’était le 18 novembre 1870.

Timbre "Centenaire de la poste par ballon monté, dessiné et gravé par Pierre Béquet (1971).

Timbre « Centenaire de la Poste par ballons montés », dessiné et gravé par Pierre Béquet (1971).

Le Général Ulrich, le trentième ballon monté lâché par la Poste pour passer les lignes prussiennes isolant la capitale (au total, 66 de ces ballons ont quitté Paris lors du siège de 1870), prenait son envol peu après 23 heures. A son bord, l’aéronaute Emile Lemoine, trois passagers, 80 kg de courrier… et 34 pigeons voyageurs. Dont notre héros. Le voyage, effectué de nuit pour éviter les tirs prussiens, se déroule sans incident notable, et le ballon atterrit le lendemain matin à 8 heures.

Le pigeon séjournera peu de temps dans ce qui était à l’époque le département de la Seine-et-Oise. Transféré à Orléans, il rejoindra Paris – cette fois par ses propres et naturels moyens – 5 jours plus tard, le 23 novembre… , les rémiges lestées de pigeongrammes, microfilms sur lesquels figurent des milliers de correspondances officielles et privées.

FL 175 PAR 271 Lecture des dépêches microfilmées 1870L’acheminement ainsi assuré avec succès par voie des airs, les services de la Poste projettent alors sur écran ces microfilms, recopient à la main les courriers… et en assurent ensuite la distribution. Plusieurs dizaines de ces pigeongrammes transportés par pigeon voyageur permettront ainsi, malgré le blocus prussien, de faire entrer dans Paris un nombre considérable de plis expédiés de toutes les provinces…

Après une disparition de près d’un siècle, le pigeon de Luzarches a resurgi – naturalisé – au milieu des années 1960. A la faveur d’un don au Musée de La Poste. Hubert Cappart, alors président de la Société des Amis du Musée de La Poste (SAMP), avait en effet déniché le mythique volatile chez un collectionneur. L’animal avait une nouvelle fois retrouvé sa maison…

Rodolphe Pays

 

FL 175 PAR 11 Pigeon du siège de Paris 1870Authentique et bientôt resplendissant

C’est parce qu’il a été empaillé durant ou juste après le siège de Paris que le « pigeon de Luzarches » a pu être identifié. Ses plumes maîtresses portent en effet l’empreinte de plusieurs cachets apposés à l’époque : celui de son propriétaire, Edouard Cassiers, colombophile qui a fourni de nombreux pigeons aux services de la Poste, accompagné d’un numéro d’immatriculation, timbre à date d’Orléans du 23 novembre 1870, numéro de série des dépêches transportées…

Autant d’informations qui ne seraient plus apparues si le pigeon était mort après sa mue de 1871. En attendant d’être à nouveau présenté au public à la réouverture du musée, l’animal suit actuellement une cure de jouvence auprès d’une restauratrice spécialisée.

 

 

 


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