Les restaurations des objets qui seront présentés à la réouverture du Musée de La Poste vont bon train.
Parmi les dernières en date, celle d’un pigeon achemineur de dépêches lors du siège de Paris de 1870.

Restauratrice de matières organiques, Yveline Huguet enseigne aussi l’entretien du patrimoine à des élèves d’un lycée professionnel parisien se destinant à des métiers d’art.
Quand on lui a présenté l’animal pour la première fois, Yveline Huguet l’a de prime abord trouvé « plutôt bien ». Mais à y regarder de plus près, elle a vite constaté qu’il était en fin de compte « pas mal cassé ».
Rien de surprenant au fond, à bientôt 150 ans, la bête – un pigeon voyageur actif au service de la Poste durant le siège de Paris de 1870 – totalise désormais un nombre respectable d’heures de vol. Et a forcément laissé quelques plumes dans les différentes bagarres – aériennes comme sédentaires – auxquelles il a été mêlé.
Même si les équipes de conservation successives du Musée de La Poste, depuis plus d’un demi-siècle qu’il figure dans les collections, se sont efforcées de maintenir le volatile dans le meilleur état possible, une cure de rajeunissement s’imposait.
Et compte tenu de la tâche délicate à accomplir, il importait de faire appel aux services d’un professionnel expérimenté. La restauration du pigeon, qui à deux reprises en novembre 1870 est vraisemblablement parvenu à rentrer dans Paris les ailes chargées de « pigeongrammes » – des microfilms reproduisant des milliers de correspondances -, a ainsi été confiée à Yveline Huguet.
Etape préalable pour cette spécialiste du traitement des matières organiques : établir un diagnostic.
« En raison de l’âge de l’animal, des périodes de stockage et d’exposition, des manipulations, il s’est avéré dès les premières constatations que plusieurs soins et réparations étaient à envisager, raconte la restauratrice, le plumage avait souffert, une partie du cou était déchiré et les pattes ainsi que les doigts comportaient d’importantes lésions. »
Le constat posé, il a ensuite fallu déterminer le niveau d’intervention. Retrouver l’authenticité originelle, reconstituer totalement ou partiellement les parties abîmées tout en sauvegardant l’aspect actuel, simplement préserver l’existant… ?
« Lorsqu’il s’agit de travailler sur un spécimen historique comme celui-ci, avec une forte valeur patrimoniale, être trop interventionniste comporte des risques, celui de dénaturer, d’enlever une part de la personnalité de l’animal, de sa charge émotionnelle, explique Yveline, c’est pourquoi, avec la conservation du musée, nous avons opté pour une restauration réparatrice et un embellissement qui régénère sans masquer toutes les marques du temps. »

Yveline Huguet s’est attachée à préserver les différents cachets apposés sur l’animal : ici, celui de son propriétaire, Edouard Cassiers.
Yveline a ainsi d’abord nettoyé le pigeon. En préférant des opérations « à sec » plutôt que des traitements à base de solvants, qui auraient risqué d’endommager les plumes.
Et elle s’est naturellement attachée à préserver les différents cachets postaux apposés sur l’animal à l’occasion des deux acheminements dont il avait eu la charge : celui de son propriétaire, Edouard Cassiers, colombophile qui a fourni à l’époque de nombreux pigeons, timbre à date du 23 novembre 1870, numéro de série des dépêches transportées…
« J’ai remplacé certaines plumes qui avaient disparu par d’autres prélevées ailleurs sur le corps du pigeon, j’ai aussi colmaté les déchirures, explique Yveline, il a également fallu refixer un doigt qui s’était détaché. » Restait à traiter les couleurs. Celles des pattes, du bec, du tour des yeux. « Pour ce type de besoins, on privilégie plutôt l’aquarelle, indique la restauratrice, et sur le choix des teintes, on se réfère aux modèles que l’on peut trouver notamment sur internet. »
Pour toutes ces opérations, Yveline utilise une multitude d’outils : nébuliseurs, petites éponges pour agripper les poussières, pinceaux de toutes sortes, peignes, brosses… Pas moins de trois journées de travail auront ainsi été nécessaires pour redonner au héros du siège de Paris un peu de sa splendeur. A l’issue desquelles Yveline a un remis un rapport au musée précisant chacune des étapes de son intervention. Un document que le pigeon n’a cette fois pas pris sous ses ailes…
Rodolphe Pays
(Photos Thierry Debonnaire)
Le goût de la découverte
Restauratrice de matières organiques, Yveline Huguet redonne de la vie et des couleurs à des animaux aussi différents que les oiseaux, les mammifères, les crustacés, les coquillages, les insectes…
Elle met son savoir-faire au service de musées comme celui du quai Branly ou du Louvre-Lens ou encore de galeries ou de zoos. Sans pratiquer elle-même cette discipline, elle travaille aussi pour des passionnés de taxidermie. Et elle forme par ailleurs des jeunes d’un lycée professionnel parisien aux techniques de l’entretien du patrimoine.
Si elle œuvre aujourd’hui dans un environnement qui tient tout à la fois du laboratoire médical et de l’atelier d’artiste, Yveline Huguet n’a pas toujours mené des activités professionnelles sédentaires.
Elle a ainsi d’abord exercé le métier d’infirmière, notamment en Afrique et en Asie. Elle s’est aussi occupée de rapatriement sanitaire. Son goût de la découverte, elle l’a également satisfait en étudiant des langues orientales, puis l’archéologie. Et c’est en 2005 qu’elle a obtenu ses diplômes de restauratrice et démarré une nouvelle aventure.
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