Archive pour décembre 2011

C’était hier, c’était mon père…

La salle 8 de l'Adresse Musée de La Poste raconte l'histoire des pionniers de la poste aérienne. Photo M. Fischer

Noël, c’est d’abord la mémoire d’un nouveau-né, qui s’est peu à peu transformée en fête de tous les enfants. Ce sont aussi des retrouvailles familiales, l’occasion de se rapprocher de ses parents. C’est ce que fait le journaliste Bernard Chabbert dans un texte dédié à son père, un des pionniers de l’aventure aéropostale à laquelle le musée consacre une de ses salles. Portrait d’un père par son fils.

Gustave Chabbert est né au début du XXe siècle, près de Mazamet, dans une famille de notables. Son père, le notaire de Saint Amans, vivait confortablement une existence cependant circonscrite à la distance que parcourait en une matinée sa jument attelée à un cabriolet.

Gustave fit son droit à Toulouse… et se passionna pour l’aviation. L’armée lui donna accès à ce rêve : il devint officier de réserve-aviateur, apprit à piloter et découvrit le bonheur en même temps que le sens du mot peur. Car voler était, et reste, une occupation imbriquant plages de sérénité quasiment mystique et moments de trouille d’une étrange intensité…

Redevenu civil, il ne reprit pas l’étude de notaire familiale, mais s’en fut demander du travail chez le constructeur aéronautique toulousain Pierre Latécoère. Celui-ci, secondé par Didier Daurat, s’était mis en tête d’acheminer le courrier entre la France et l’Amérique du Sud bien plus rapidement – une semaine au lieu d’un mois – qu’en bateau. En exigeant des avions une performance aux limites du raisonnable et des équipages des exploits au quotidien.

Mon père fut pris parce que Daurat avait besoin de pilotes, mais aussi de gestionnaires et de diplomates à la tête des « aéroplaces », ces aérodromes tracés dans le sable près des rivages du Maroc et du Sénégal, à Cap Juby, Villa Cisneros, Saint Louis… Un juriste-aviateur parlant couramment espagnol lui allait bien. D’abord mécano – il fallait aussi savoir réparer -, puis pilote sur Toulouse-Casablanca, Gustave découvrit ensuite la drogue dure des vols interminables, à 140 à l’heure et quelques centaines de mètres d’altitude. Alors, les dimensions de sa propre sphère de vie passèrent aux 1400 kilomètres que pouvait parcourir son Laté 26 en une journée de postier volant.

Cette sorte de Pony Express du ciel, qu’avait inventé Latécoère et mis au point Daurat, jeta les bases de ce qui est devenu aujourd’hui le transport aérien : on parle encore de « moyen-courrier » ou de « long-courrier »…  Evidemment aucun de leurs collaborateurs, sauf peut-être le chef d’aéroplace de Cap Juby, un comte désargenté nommé Antoine de Saint-Exupéry, ne mesurait qu’ils étaient en train de réaliser bien plus que le transport du courrier entre la France et le continent sud-américain.

Leurs journées étaient trop pleines des exigences de Daurat. Parfois des pilotes étaient pris en otages. Ou disparaissaient avec leur avion… Ces hommes, auxquels la salle 8 du musée de La Poste rend un bel hommage, ont inventé ensemble une épopée, celle de la Ligne. Elle mesurait 16 000 kilomètres et, pour que le courrier passe, 160 aviateurs y laissèrent la vie. C’était hier, ou presque. C’était mon père. (BC)

Bernard Chabbert travaille actuellement avec Jacques Perrin sur un projet de long métrage consacré à la poste aérienne.

L’aventure de la poste aérienne, salle 8 de l’Adresse Musée de La Poste, 34 Bd de Vaugirard, Paris 15ème 


Entrer votre courriel pour vous inscrire à ce blog et recevoir gratuitement les notifications des nouveaux articles par courriel.

Rejoignez les 182 autres abonnés

Nos sujets

Rodolphe Pays

Les archives

Des chiffres

  • 356 861 visites