
Architecte de formation, passionné de dessin depuis l’enfance, Ardif s’est lancé il y a deux ans dans l’aventure du street art.
Architecte de formation, passionné de dessin depuis l’enfance, Ardif s’est lancé il y a deux ans dans l’aventure du street art.
Après d’autres street artistes avant lui, il vient à son tour d’achever une fresque sur la palissade du chantier de rénovation du Musée de La Poste.
Une sorte de bestiaire philatélique…
Interview.
Le contact avec le Musée de La Poste
« Je ne connaissais pas le Musée de La Poste, je n’avais pas eu l’occasion de le visiter, j’avais seulement entendu parler de l’exposition sur le street art qui s’y était déroulé en 2013.
Le premier contact, c’était il y a quelques semaines, avec Céline Neveux, la commissaire d’exposition. Elle connaissait mon travail, avait repéré des collages que j’avais fait dans Paris, elle m’a proposé de participer à mon tour au projet Ralentir street art.

« Réaliser une fresque sur soixante mètres carrés est un peu inhabituel, un peu atypique, un tel espace, c’était particulièrement enthousiasmant. »
Réaliser une fresque sur la palissade du chantier de rénovation du musée m’a d’autant plus intéressé que le format – soixante mètres carrés, tout en longueur – est un peu inhabituel, un peu atypique.
Le plus souvent on travaille sur des surfaces nettement plus réduites, disposer cette fois d’un tel espace, c’était particulièrement enthousiasmant.

« Comme beaucoup de déclinaisons de ces méchanimals, comme je les appelle, se rapprochent du format d’un timbre, j’ai tout de suite pensé à les associer. A concevoir un petit bestiaire philatélique en quelque sorte… »
L’idée
La seule indication que m’avait donnée la commissaire d’expo pour ce travail, c’était qu’y apparaisse au moins une allusion à l’univers postal.
Et de mon côté, je voulais partir de mon concept de base, c’est-à-dire les animaux mécaniques.
Comme beaucoup de déclinaisons de ces méchanimals, comme je les appelle, se rapprochent du format d’un timbre, j’ai tout de suite pensé à les associer.
A concevoir un petit bestiaire philatélique en quelque sorte…

« Pour chacun des animaux créés, comme je le fais toujours, j’ai voulu une symétrie précise : une moitié de face naturelle, dessinée, et l’autre moitié, technique, architecturale. »
La fresque
C’est une série de timbres alignés, illustrés d’animaux.
Pour chacun des animaux créés, comme je le fais toujours, j’ai voulu une symétrie précise : une moitié de face naturelle, dessinée, et l’autre moitié, technique, architecturale.
Je me suis aussi attaché à établir une symétrie collective. A gauche, j’ai placé quatre animaux domestiques, des chiens, un chat, et à droite quatre animaux sauvages, ours, zèbre, éléphant, lion.
J’ai poussé la symétrie jusqu’à inverser le positionnement naturel et technique des faces selon qu’il s’agisse des animaux domestiques ou sauvages.

« Au centre, autre clin d’œil à La Poste, j’ai imaginé comme une sorte de cathédrale-centre de tri expédiant de part et d’autre de petits sacs postaux… »
Et au centre, autre clin d’œil à La Poste, j’ai imaginé comme une sorte de cathédrale-centre de tri expédiant de part et d’autre de petits sacs postaux…
Pas d’animaux emblématiques de La Poste…
Je me suis posé la question. En particulier à propos du pigeon, qui a joué un rôle dans le transport des messages.
Mais le dessiner de face ne fonctionnait pas pour la symétrie. Et puis le pigeon avait été le thème d’une fresque réalisée récemment sur le mur par un autre street artiste, SONAC Photographe.
J’ai pensé au cheval aussi, au milieu des autres animaux, ça ne s’intégrait pas bien.
Il y a quand même un zèbre, c’était plus graphique, plus adapté à l’ensemble, du coup ça fait un peu office de cheval…

« J’ai réalisé les dents des timbres au pochoir, une technique que je n’utilise pas habituellement. Comme ce sont des grands formats, c’était un peu dur à manipuler, mais au final ça s’est bien passé. »
Les techniques
J’ai réalisé les dents des timbres au pochoir, une technique que je n’utilise pas habituellement.
Comme ce sont des grands formats, c’était un peu dur à manipuler, mais au final ça s’est bien passé.
Pour le dessin central, une allégorie de centre de tri, j’ai choisi de travailler directement sur la palissade, je fais ça de temps en temps.
Là c’était important, ce bâtiment sépare les deux séries d’animaux, je voulais ce traitement différencié, avec des grands traits tirés, éviter les impressions de relief.
Pour les animaux, j’ai réalisé les dessins de chacun d’eux comme la plupart du temps en découpant des vides, comme de la dentelle. Une fois les affiches collées sur le mur, ces parties évidées, ajourées apparaissent, marquent les univers, donnent du relief…
Je suis plutôt content du résultat, les gris sont beaux, les contrastes, les nuances aussi, l’alchimie a je crois bien fonctionné.
C’était intense. Une grosse semaine de travail. De trois à quatre jours de préparation – repérage, dimensionnement, exécution en atelier … – et trois jours sur place.
Pour couvrir soixante mètres carrés, c’était difficile de faire moins.
Les outils
Pour les parties, les demi-faces « techniques », je travaille toujours avec les outils traditionnels d’architecte, ma formation initiale : compas, règle, équerre…
D’ailleurs en réalité, en architecture on n’utilise plus ces instruments classiques, tout se fait sur écran désormais, alors forcément les savoir-faire se perdent.

« Pour les parties, les demi-faces « techniques », je travaille toujours avec les outils traditionnels d’architecte, ma formation initiale : compas, règle, équerre… »
Pour moi, ces outils, c’est important, même un peu impressionnant, ça me plaît beaucoup, il y a une âme, une vraie patte dans le travail que l’on fait avec eux.
Ce savoir-faire, j’apprécie de l’exercer.
Le street art, depuis quand…
Bien sûr, dès l’enfance, l’adolescence, j’avais vu des murs, ça me paraissait bien fait, ça m’avait marqué.
Je dessinais moi-même, je l’ai toujours fait, j’ai aussi suivi une prépa artistique avant de mener des études d’architecte.
J’ai mis un peu de temps avant de me lancer, j’y pensais, l’expression libre, non autorisée, j’en avais envie.
Après les attentats de Charlie, on était nombreux à être dans une volonté de liberté, de défendre l’expression, de la revendiquer. Ca a été sans doute en partie déclencheur. Ca fait maintenant deux ans que je colle dans la rue.

« Les Méchanicals, ces animaux hybrides mi-figuratifs mi-architecturés, qui sont ma marque de fabrique, symbolisent l’équilibre qu’il me semble important de trouver entre nature et progrès. »
Les Méchanicals…
Ces animaux hybrides mi-figuratifs mi-architecturés, qui sont ma marque de fabrique, symbolisent l’équilibre qu’il me semble important de trouver entre nature et progrès.
Le progrès, bien sûr c’est indispensable, on ne va pas retourner à l’âge de pierre.
Mais là, on agit au détriment de la nature, de son écoute.
On peut arriver à un équilibre, et c’est ce que je cherche à établir dans mon travail.
Inspirations
J’ai beaucoup regardé les architectes utopistes, ceux de l’après-guerre, ceux du courant Archigram un peu plus tard…
Les univers fantastiques m’intéressent, m’ont influencé. Via le cinéma, la BD, les arts de la rue…
Dans la BD par exemple, j’aime notamment le travail de Schuiten ou Mœbius, et dans le street art, celui de Roa ou encore Ludo…
La rue, aujourd’hui
Même si comme beaucoup de street artistes, je travaille avec des galeries, je réponds à des commandes privées, le but c’est de continuer à faire de la rue, de l’affichage sauvage, sans autorisation.
Coller des affiches à l’arrache, c’est ça qui crée la spontanéité, on voit un spot, une idée vient, on prépare, on colle. Ca m’arrive aussi parfois de faire des repérages, mais le plus souvent, je travaille d’instinct, directement.
Et je colle aussi dès que je voyage, comme à Londres, New-York… »
Projets…
Après plusieurs collaborations avec des lieux de street art, des expos collectives, parfois personnelles, comme à Boulogne récemment, je prépare une expo au Lavomatic à Paris pour septembre.
Ce sera ma deuxième expo solo de l’année.
Et puis, des grands murs comme celui du Musée de La Poste, j’espère aussi avoir l’occasion d’en refaire, j’ai vraiment aimé…
Propos recueillis par Rodolphe Pays
(photos Thierry Debonnaire, Rodolphe Pays)
La fresque d’Ardif est visible tout l’été sur la palissade du chantier de rénovation du Musée de La Poste, 34 boulevard de Vaugirard, Paris 15ème.
En savoir plus sur Ardif : https://www.facebook.com/ardifstreetart/
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