L’année 2013 a été marquée par une forte mobilisation face à l’illettrisme. Une cause à laquelle le Musée de La Poste, par nature voué à l’écrit, apporte tout son soutien. Hervé Fernandez, directeur général de l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme, revient sur les projets en cours et évoque les initiatives à venir.
L’illettrisme a été la Grande Cause Nationale 2013. Qu’est-ce que l’attribution de ce label a permis de faire avancer ?
Le choix du gouvernement de faire de l’illettrisme une Grande Cause Nationale, c’est d’abord une première, ça ne s’était jamais produit en France. Cette décision a été prise à la suite d’une demande formulée par un collectif de près de soixante-dix acteurs actifs depuis des années et aujourd’hui fédérés au sein de l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme. Obtenir ce label a très vite enclenché une forte mobilisation des médias, notamment régionaux. Et des campagnes de communication ont aussi relayé la démarche. Cela a ainsi permis de sensibiliser une part importante de la population, et c’était le but recherché. Une visibilité qui a aussi contribué à faire passer un message positif aux personnes directement concernées – elles sont plus de 2,5 millions en France. Et parfois à briser un tabou qui les empêche trop souvent encore de rompre leur isolement, d’aller vers les solutions qu’on leur propose.
Quelles actions ont été menées tout au long de l’année ?
C’est un peu au Musée de La Poste que cette année de mobilisation a démarré, la première réunion du collectif à l’origine du projet s’y est en effet déroulée en mars. C’est là qu’a été décidée la tenue d’assises régionales, dont les objectifs étaient de réfléchir à toutes les actions envisageables pour lutter contre l’illettrisme. Et aussi à la manière de faire connaître ces actions afin de favoriser l’essaimage. Au total, plus de 4500 personnes ont participé à ces réunions que la presse a largement accompagnées. Le travail ainsi mené a généré partout un grand nombre d’initiatives. On ne peut les citer toutes, mais beaucoup de villes se sont alors investies.
Aubervilliers, par exemple, dans le nord de Paris, qui par son implication, d’ailleurs soutenue par le musée de La Poste, est un peu devenue la cité symbole de la lutte contre l’illettrisme, Blois également, et bien d’autres. Les assises nationales qui se sont déroulées à Lyon mi-novembre ont également apporté leur pierre à l’édifice. Plus de 900 personnes y ont participé. Elles ont permis de lancer de nouvelles initiatives, d’enclencher de nouveaux partenariats, d’accueillir de nouveaux participants. Et aussi de faire des retours d ‘expérience.
Quelle est la place des institutions culturelles dans la lutte contre l’illettrisme ?
Elles jouent un rôle essentiel. Pour des gens qui sont en difficulté avec la lecture et l’écriture, la fréquentation des musées, qu’en général elles ont désertés, est importante pour restaurer leur capital de confiance. La culture, c’est un facteur de motivation, c’est un moteur pour renouer avec l’écrit. Ce qui est fait au musée de La Poste par exemple en témoigne. A travers les ateliers de mail art ou encore des visites guidées d’expos ou des collections, les personnes confrontées à l’illettrisme peuvent petit à petit retrouver le goût et l’intérêt pour les mots.
Le Musée de La Poste organise aussi à leur attention des visites culturelles prolongées par la visite d’un établissement postal. Est-ce une démarche que vous encouragez ?
La moitié des personnes concernées par l’illettrisme ont un emploi. Et dans ce cadre, parce que le travail exige de plus en plus d’écrit, d’informatique, de présence sur internet, tout est très compliqué pour elles. Alors les passerelles que l’on peut établir entre la culture, objet d’émulation et de réappropriation de la confiance, et l’activité professionnelle sont des approches particulièrement intéressantes. C’est vrai pour ceux qui ont un emploi comme pour ceux qui en recherchent.
Et puis les bureaux de poste, parce qu’ils délivrent au quotidien toutes sortes de services indispensables, sont aussi par nature en première ligne. Pour le client fragilisé ou mal à l’aise en raison de ses difficultés avec l’écrit comme pour le postier qui se trouve face à lui, la compréhension et la bienveillance mutuelles sont à promouvoir. De ce point de vue, les rencontres initiées par le musée sont une très belle idée. Les questions d’accueil des populations touchées par l’illettrisme font d’ailleurs aujourd’hui l’objet de beaucoup d’attention, en particulier de la part des conseillers de Pôle Emploi.
Comment l’action de 2013 va-t-elle se prolonger en 2014 ?
Nous allons coordonner les efforts désormais engagés, fédérer, faire en sorte d’identifier et de diffuser les bonnes pratiques. Il y a déjà plusieurs gros chantiers en vue, démultiplier des actions éducatives familiales, travailler notamment auprès des enfants sur la prévention de l’illettrisme. Nous allons également par exemple appuyer les syndicats patronaux et de salariés pour concevoir des programmes de formation prenant en compte l’illettrisme. Ou encore les partenaires sociaux, de plus en plus impliqués, qui envoient des informations sur cette question à tous les élus des comités d’entreprise, des comités hygiène et sécurité. L’idée, c’est de tout faire pour que l’illettrisme soit partout et en permanence une préoccupation.
Propos recueillis par Rodolphe Pays
70 partenaires mobilisés contre l’illettrisme
Mesurer l’illettrisme et fédérer et aider les acteurs mobilisés pour l’endiguer : c’est la feuille de route de L’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme, un Groupement d’Intérêt Public (GIP) rattaché à plusieurs ministères (Education Nationale, Jeunesse et Sports… ). L’agence fédère près de 70 partenaires : ministères, collectivités territoriales, mouvements d’éducation populaire, partenaires sociaux, Fondations, associations de DRH, mouvements mutualistes, chambres de commerce, chambres des métiers, associations caritatives…
L’Illettrisme en quelques chiffres
. 2,5 millions de personnes de 18 à 65 ans en situation d’illettrisme
. Plus de la moitié ont plus de 45 ans
. 60% sont des hommes
. 40 % sont des femmes
. 71% des personnes en situation d’illettrisme utilisaient exclusivement le français à l’âge de 5 ans.
Source : enquête IVQ Insee-ANLCI 2011
Renseignements sur les actions en faveur de la lutte contre l’illettrisme menées par le Musée de La Poste : contacter Noémie Boudet au 01 42 79 23 05 ou noemie.boudet@laposte.fr
Site internet de l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme : http://www.anlci.gouv.fr/
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