De « petites » et belles expos à voir en ce moment à Paris. Au Chemin du Montparnasse, avec l’Espace Krajcberg et l’expo du Musée de La Poste accueillie au Musée du Montparnasse. Et, pas bien loin, à l’Orangerie du Sénat, avec les accrochages Happy Art et Regards contemporains sur la Commune de Paris.
Frans Krajcberg est un vieux monsieur de 93 ans. Mais toujours bon pied, bon œil. Et un roman – fleuve – à lui tout seul. Né en Pologne, il a 18 ans quand les armées allemandes envahissent son pays. Sa mère, militante communiste, est exécutée par les Nazis. Lui-même est emprisonné, il s’évade, gagne l’URSS, poursuit des études d’ingénieur hydraulicien à Leningrad. Et suit aussi des cours aux Beaux-Arts.
Début 1943, il rejoindra l’armée Polonaise, qui lutte aux côtés de l’Armée rouge sous les ordres de Joukov. De retour chez lui, il est chassé de sa maison… parce qu’il est juif. Il gagne alors l’Allemagne où il retrouve des habitants de son village qui lui confirment la disparition des siens. L’art devient alors sa raison de vivre, de survivre. Il va à Paris, rencontre des artistes, puis se rend au Brésil où il alterne activités d’ingénieur et créations plastiques. Il vit en pleine forêt, dans une maison en bois. Le bois, la passion de sa vie…
A Rio de Janeiro, il obtient en 1957 le Prix du meilleur peintre brésilien. Il devient célèbre du jour au lendemain – un tournant surtout utile pour la notoriété de sa démarche -, repart pour Paris, installe son atelier à Montparnasse, noue des amitiés avec Yves Klein, Pierre Restany. De retour au Brésil, il sculpte des troncs d’arbres morts. Découvre aussi les ravages de la déforestation, contre laquelle il ne cessera plus de témoigner.
Racines et troncs brulés deviennent alors définitivement le cœur même de son œuvre. En 1971, il construit sa maison dans un arbre, à dix mètres du sol (« Pour la première fois de ma vie, je me suis enfin senti chez moi »). Et en 2003, l’Espace Krajcberg, son atelier parisien du Chemin du Montparnasse, ouvre ses portes au public pour une présentation des œuvres – tableaux, sculptures, photos – de l’artiste.
Entre exposition permanente et accrochage temporaire, le lieu continue aujourd’hui de proposer des balades hors des entiers battus, au cœur des préoccupations et des réalisations de Frans Krajcberg (et le Musée de La Poste y mène tout au long de l’année scolaire des animations pour les écoles). On peut même parfois y rencontrer l’artiste, il revient chaque automne à Paris fouler l’allée pavée du Chemin du Montparnasse.
De l’Espace Krajcberg au Musée du Montparnasse, il n’y a guère plus de vingt pas. A l’aller ou au retour de la visite à l’amoureux définitif de la nature et des arbres, il faut aussi faire une halte dans ce lieu – ancien atelier de la peintre Marie Vassilieff – qui accueille tout au long de 2014 les expositions temporaires du Musée de La Poste. Après les nuages cet hiver et avant les ex-voto cet automne, c’est la nourriture qui est le thème de l’accrochage proposé. Une nourriture pas toujours réjouissante, mais traitée avec humour et causticité.
Et du Musée du Montparnasse à l’Orangerie du Sénat, il n’y a finalement que quelques centaines de mètres. Cet espace jouxtant le Palais du Luxembourg invite à visiter durant quelques jours encore deux expositions à ne pas manquer .
L’une est consacrée au mouvement Happy Art Contemporain, qui réunit des artistes bien décidés à prendre la vie côtés sourire, fraîcheur et gaieté (ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils regardent béatement le monde qui les entoure… ). Résultat : des œuvres colorées, faussement naïves parfois, pleines de références aussi, joyeuses… A voir en particulier les œuvres de Frédérique Chemin (photo médaillon à gauche).
Et l’autre décline des Regards contemporains sur la Commune de Paris (un accrochage organisé par l’association Les amies et les amis de la Commune de Paris 1871). Une trentaine d’artistes – Villeglé, Pignon-Ernest… – y donnent leur vision de ces 70 jours de 1871 qui n’ont jamais cessé d’intéresser, d’interroger, de faire rêver sans doute, de désespérer aussi… A voir en particulier les œuvres de Jérôme Gulon (photo médaillon à droite).
De belles balades à Montparnasse et au Luxembourg…
Rodolphe Pays
Espace Krajcberg, ouvert du mardi au dimanche de 14 h à 18 h, 21 avenue du Maine, Paris 15ème. Entrée libre.
« L’art fait ventre », une exposition du Musée de La Poste accueillie au Musée du Montparnasse, jusqu’au 20 septembre, ouvert du lundi au samedi de 13 h à 18 h, 21 avenue du Maine, Paris 15ème. Entrée libre.
Expo « Happy Art Contemporain » et « Regards contemporains sur la Commune de Paris 1871 », jusqu’au 3 août, ouvert de 11 h à 20 h, Orangerie du Sénat, 19 bis rue de Vaugirard, Paris 6ème. Entrée libre.
Photo de Frans Krajcberg : Manu Dias (Secom/BA).
Le Blog de l’Adresse Musée de La Poste part lui-aussi en balade quelques jours. Bonne semaine… et à bientôt sur ladresseip.wordpress.com
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