Le Musée de La Poste, ses collections, ses expositions, ses animations, sa boutique… Et ses hommes et ses femmes, au service de l’histoire, de la culture, du partage… Parmi eux, l’historien du musée, le « guide suprême », Pascal Roman.
A l’occasion de son départ à la retraite, portrait d’un érudit comme on n’en fait plus guère. Doublé d’un homme drôle et éminemment sympathique…
Pascal… Michel Fugain avait déjà tout dit, tout résumé : « c’est un long roman, c’est une belle histoire… » On pourrait aussi y ajouter le « j’ai tout lu, tout vu, tout bu » de Jacques Dutronc, en se passant cependant – et pour cause – du second degré. Parce que tout simplement c’est vrai : une culture aussi encyclopédique, ça ne court plus guère les rues…
Le guide « suprême » (et bien plus que ça… ) du Musée de La Poste tire sa révérence, fait valoir ses droits à la retraite comme on dit. Sans cependant décrocher tout à fait. Les visiteurs et les collaborateurs du musée ne s’en plaindront pas : l’homme gardera un pied dans la place, en appuis ponctuels – bienvenus et attendus – et au sein de la Société des amis du Musée de La Poste (SAMP).

C’est à Saint-Mandé (alors département de la Seine) que Pascal Roman a vu le jour.
L’histoire a démarré aux portes est de Paris, à Saint-Mandé, dans ce qui était alors le département de la Seine. On connaît l’humour de Pascal, sa façon de ne pas se prendre au sérieux, sa manière de ne pas craindre de dire les choses, tout en évitant soigneusement de blesser.
Doit-il cette humeur souriante, cette causticité douce – mais pas lisse -, cette empathie permanente à la fréquentation aux premiers jours d’un peut-être voisin de maternité, le comédien et humoriste Marc Jolivet, né au même endroit, au même moment, lui-aussi drôle, curieux et bienveillant.

La plage du Château Vert à Philippeville, en Algérie, ville où l’historien du Musée de La Poste a passé son enfance.
Peut-être puise-t-il aussi sa nature solaire aux chaleurs qui ont bercé son enfance du côté de Philippeville – aujourd’hui Skikda -, au nord de Constantine, dans l’Algérie des années 1950…

Du lycée Condorcet, à Paris …
Son goût des études, cette frénésie de connaissance, de savoirs, Pascal les a ensuite cultivés à Paris et en province. Au lycée Condorcet d’abord (pépinière de talents où de célèbres prédécesseurs avaient eux-aussi pris leur envol, Bergson, Raymond Aron, Sainte-Beuve, Cocteau… et Jacques Dutronc).

… à Notre-Dame de Sainte-Croix au Mans.
Puis au Mans, chez les jésuites du lycée Notre-Dame de Sainte-Croix (là-aussi creuset de têtes bien faites et de tempérament bien trempés, Ferdinand de Lesseps, Saint-Exupéry, Hervé Bazin, Olivier de Kersauzon… et François Fillon).
Esprit éminemment curieux, Pascal s’intéresse à tout. Ca le tient depuis l’enfance. Son père aimait l’histoire, sans doute a-t-il contribué à lui mettre le pied à l’étrier. Pas encore celui des courriers du roi et autres postillons, mais cela viendra aussi en son temps. Gamin, il se rendait sur des sites à la recherche de témoignages du passé. « On trouvait toutes sortes de choses, des pierres, des fossiles, des objets, je conserve encore des milliers de pièces glanées à cette époque », raconte-t-il.

L’appartement, la chambre sous les combles, la cave n’y suffisent plus… Son actuel bureau non plus…
Il aime aussi l’espace, les planètes, les étoiles, les météorites. La numismatique (et tout spécialement les monnaies du bas-empire romain, du haut Moyen Âge et de l’orient latin). Et les livres, surtout anciens. Et les langues de l’Antiquité, les écritures… Et puis tout le reste, la politique, la maçonnerie (pas celle du bâtiment… ), le cinéma, la chanson… Liste non exhaustive.

Pascal collectionne y compris les boîtes de sardines…
Et il collectionne. Tant de choses. Y compris les boîtes de sardines. L’appartement, la chambre sous les combles, la cave n’y suffisent plus… Son actuel bureau non plus… Comme son prochain…
Exception à cette addiction universelle, qui peut paraître paradoxale pour un serviteur de la Poste et de son histoire : la philatélie n’entre pas au Panthéon culturel de Pascal. Il est bien sûr capable d’en retracer l’histoire, d’en détailler les dimensions politique, économique ou encore esthétique, d’en expliquer les techniques, pour autant, c’est un domaine auquel il reste peu sensible. « La philatélie n’est pas une science auxiliaire de l’histoire », donne-t-il en – courte – explication…

Pascal Roman a fait toutes ses études (Droit, Histoire et Histoire de l’art) à la Faculté Panthéon-Sorbonne.
On a beau s’intéresser à tout, il faut à un moment choisir sa voie. Pour Pascal, on ne se refait pas, ce sera ses voies : Le Droit, l’Histoire et l’Histoire de l’art. Des études qu’il mènera à son rythme – sur une décennie quand même, ce qui au fond n’était pas de trop pour satisfaire son appétit boulimique de culture et sa nature un rien insouciante – à l’université Panthéon-Sorbonne.
Une période que ne troublera pas l’appel sous les drapeaux : Pascal ne sera pas réformé, il sera simplement exempté, l’Armée ayant peut-être détecté chez lui un manque de réelle motivation pour le port de l’uniforme et son peu de goût pour les disciplines autres qu’historiques.
C’étaient les années 1970, elles étaient passionnantes de nouveautés, de découvertes, de créativité, de remises en question, de perspectives… , et Pascal ne détestait pas les vivre pleinement en tant qu’étudiant… Quitte à repousser un peu le saut dans l’inconnu, l’entreprise, l’âge vraiment adulte…

Pascal Roman a rejoint La Poste en 1981, au centre de transbordement du courrier de la gare du Nord à Paris.
Le moment de l’activité professionnelle venu, s’il a relativement peu exploité sa formation de juriste, il aura en revanche pu exercer son savoir-faire d’historien de l’art et d’historien tout court. Jusqu’à aujourd’hui. Et toujours demain.
Il lui aura malgré tout fallu attendre quelques années avant de faire son métier de ses passions personnelles. « A la fin de mes études, j’ai d’abord passé le concours de conservateur des musées nationaux, mais sans succès, explique Pascal, j’ai alors tenté d’autres concours, et le premier réussi, ça a été celui d’inspecteur à la Poste, le premier niveau de cadre au sein de l’institution. »
On est en 1981, année d’un changement politique marqué en France… et d’un changement de statut radical pour Pascal. La vie active démarre… S’ensuit alors une dizaine d’années de tâches diverses et variées au sein de ce qui était encore l’Administration des postes. Et d’emblée « dans le dur », cadre en brigade de nuit, au transbordement postal parisien de la gare du Nord. De 20 h à 6 h du matin, deux nuits sur quatre.
« On s’occupait des flux de courrier route/rail, se souvient Pascal, à l’arrière des camions, je vérifiais notamment les Postadex, le courrier express de l’époque, je signais aussi les pars, c’est à dire l’équivalent des bons de livraison. »
Au bout de deux ans, Pascal rejoint la DSA, la direction des services ambulants. Toujours à Paris. Il y occupe un emploi administratif – ça ne sera pas sa tasse de thé -, traite les factures de la SNCF, les marchés de transports postaux… Une période transitoire pour lui. Elle lui permet de « patienter » avant de passer le concours d’inspecteur principal (il fallait à l’époque 5 années d’activité au sein de l’Administration des postes pour pouvoir s’y présenter).
Concours réussi, Pascal rejoint l’institut de formation postal d’Evry (il fera en particulier dans ce cadre un stage de trois mois à la Cité des sciences où il contribuera – ça reste pour lui une belle expérience – à l’organisation d’un centre de conférences) avant d’être affecté à la direction du Réseau de La Poste. On est en 1988 et Pascal s’attelle alors à une lourde tâche, les queues à La Poste.

Avant d’intégrer le Musée de La Poste, Pascal Roman a travaillé sur le dossier sensible de l’attente aux guichets des bureaux de poste.
« Je me suis occupé pendant deux ans de Magui, c’est à dire de mesures de l’attente aux guichets des bureaux de poste, précise Pascal, un serpent de mer à propos duquel j’ai eu droit aux honneurs des publications internes de l’entreprise. »
C’est enfin la bascule… Un collègue et ami lui indique qu’un poste susceptible de l’intéresser se libère au Musée de La Poste. Et ça marche. Pascal devient alors responsable administratif, technique et financier du musée. Pas encore exactement son « truc », mais c’est déjà un premier pas.

A l’initiative de Pascal Roman, une « Patache », véhicule postal hippomobile, rejoindra les collections du Musée de La Poste.
Et puis quelques années plus tard, la personne en charge des collections historiques quitte le musée. Pascal postule et est retenu. « Là, j’étais vraiment dans mon élément, dans mon domaine, se rappelle-t-il avec émotion, j’étais parti pour 10 ans de conservation, et tout cela me passionnait. »
Durant cette décennie, Pascal s’attache en particulier à faire de belles acquisitions. Patache (voiture hippomobile de liaison postale du XIXe siècle), portes de malle-poste, peintures de postillon, maquette Chappe d’époque intègrent ainsi les collections.
« J’allais régulièrement à Drouot, en quête de tout ce qui pouvait avoir sa place au musée, dit-il, et quand l’affaire me semblait satisfaisante, je revenais en métro, le tableau ou l’objet sous le bras, c’était une autre époque. »

Au sein des collections du musée, Pascal Roman en interview.
Si les collections s’enrichissent, leur présentation aussi. « A deux reprises, avec Pascal Rabier, alors responsable des collections philatéliques, et Patrick Marchand, qui lui s’occupait des expositions historiques, nous avons fait évoluer les salles, poursuit Pascal, en transformant la scénographie, en créant un parcours chrono-thématique, en limitant le nombre de reproductions au profit de pièces originales, en intégrant des textes aussi. »
Pascal est également associé à l’organisation d’événements exceptionnels comme les Journées mondiales des musées du transport. Plus d’une centaine de délégations a ainsi été accueillie par le Musée de La Poste. Au programme, visites, mises à disposition du TGV postal, d’une caravelle Air France…
« Ca a réellement été des années de bonheur, d’enrichissement intellectuel, de connaissance approfondie de l’art, apprécie-t-il, tous les jours je me disais j’ai encore appris ça, je vais me coucher moins bête. »

Intervention lors d’une journée sur le thème « Esprit éthique ».
En 2007, le musée connaît une réorganisation. Pascal est alors nommé conseiller historique. Il les tenait déjà régulièrement, mais ses rôles d’ambassadeur du musée, de porte-parole culturel, d’expert s’en trouvent renforcés. « Les tâches parfois administratives de mon précédent poste ne me passionnaient pas plus que ça, sourit Pascal, je n’ai n’a pas mal vécu ce nouveau positionnement au sein du musée. »
Et on fait également appel à lui pour écrire les textes et identifier les iconographies des expositions itinérantes que le musée initie depuis le début des années 2010.
S’il a beaucoup œuvré au sein du musée, Pascal a aussi été sollicité par les médias. Radios et télévisons ont ainsi régulièrement fait appel à lui pour évoquer différents aspects de la saga postale : la poste aux chevaux, le siège de Paris de 1870 et les ballons postaux, l’Aéropostale, la poste pendant les guerres…

En conférence au Musée Carnavalet.
Le réalisateur Jacques Perrin a aussi souhaité utiliser ses services à l’occasion du tournage de plusieurs films en lien avec l’aventure postale. Durant toutes ces années, Pascal a aussi tenu nombre de conférences, dans des mairies, des médiathèques, pour des associations…
Et son intention est bien de continuer à rester mobilisé au service de La Poste, de son histoire et de son musée. Y compris à l’aide d’outils qu’il a découverts depuis peu. Comme internet. « Les informations que l’on peut y recueillir, recoupées par d’autres sources bien sûr, sont très précieuses, ça m’aide beaucoup dans mes recherches », confie le récent converti aux nouvelles technologies.
Et quand on lui demande comment La Poste a pu le tenir en haleine toutes ces années, lui, le passionné de tout, sa réponse tombe comme une évidence : « La Poste, c’est l’aventure sur des siècles de la communication entre les hommes, avec elle on touche à tous les domaines, c’est de l’histoire humaine, c’est l’histoire de la France, c’est ça qui m’intéresse. »
Un long roman, une belle histoire… toujours d’aujourd’hui.
Rodolphe Pays
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