Elle réunit l’amour filial et l’espérance humaniste. Un siècle après son extraordinaire voyage, elle rejoignait les collections du musée. Histoire d’une très belle lettre…
C’est un objet insolite au sein des collections du Musée de La Poste. Et c’est davantage encore un objet émouvant, porteur de sentiments profonds, de foi en l’avenir, d’utopie…

La lettre de Marius Vadel annonçant la naissance de sa fille s’est enrichie au fil de son périple des propos d’une vingtaine de personnalités du mouvement espérantiste. (Collections Musée de La Poste).
Pourtant, ce n’est qu’une lettre, qui a voyagé d’un point à un autre, comme c’est sa vocation.
A la différence de ses consœurs, son acheminement a pris du temps et de nombreux chemins de traverse. Et sa forme comme son contenu sont loin d’être banals.
L’histoire de ce pli pas comme les autres est révélée au début des années 1990. Une vieille dame frappe un jour à la porte du musée, une petite boîte sous le bras. A l’intérieur du coffret, une lettre et son enveloppe, une médaille et la copie d’une couverture de la revue Lecture pour tous.
« J’ai 90 ans, et pas de descendance, déclare-t-elle à Pascal Roman, l’historien du musée qui la reçoit, je voudrais que ces souvenirs me survivent, et le Musée de La Poste me semble le bon endroit pour les conserver. »
La vieille dame s’appelle Marie-Thérèze Vadel, elle est la fille de Marius Vadel, un des initiateurs de la langue espéranto en France.
A sa naissance en 1903, son père, fou de joie, décide de partager son bonheur en et hors de France. Il imagine faire parvenir la nouvelle à des personnalités du mouvement espérantiste. Et conçoit pour cela un pli et une enveloppe spécialement adaptés.

Louis-Lazare Zamenhof, le fondateur du mouvement espérantiste, est l’un des correspondants de Marius Vadel.
La lettre est en toile, elle se démultipliera – comme des Rotula du Moyen-Age – au gré des réponses des correspondants.
Pliée en accordéon, ce courrier sera tout au long de son périple abrité par une enveloppe en parchemin dotée d’une « fenêtre » permettant de faire apparaître l’adresse des destinataires successifs.
« La missive a parcouru 19 pays, l’Algérie, la Finlande, l’Iran, le Portugal, la Russie… , raconte Pascal Roman, les messages mis bout à bout elle mesure plusieurs mètres et porte les signatures d’espérantistes célèbres, notamment celle de Louis-Lazare Zamenhof, médecin polonais initiateur de cette langue internationale. »
Le précieux courrier reviendra à son expéditeur l’année suivante. Marie-Thérèze le conservera toute sa vie. Comme la médaille à l’effigie de Zamenhof et la couverture du Lecture pour tous de décembre 1906 évoquant le voyage de la lettre qu’elle se propose aussi de léguer au musée.
« Faites-là vivre, cette lettre, je vous en prie », dira Marie-Thérèze en prenant congé de Pascal Roman. Sa prière a été exaucée : le musée l’a depuis présentée à plusieurs reprises lors d’expositions à Paris et en province. Et elle pourrait à nouveau être exposée au sein des collections permanentes à la réouverture du musée.
Plus qu’une vision insolite pour les visiteurs, un moment d’émotion…
Rodolphe Pays
Une langue parlée dans 120 pays
Louis-Lazare Zamenhof (1859-1917) maîtrisait plus d’une dizaine de langues. Né à Bialystok, aujourd’hui en Pologne et à l’époque en Russie, il s’intéresse dès sa jeunesse au « volapük », une langue internationale créée par un prêtre allemand, Johann Martin Schleyer.
Dès l’âge de 19 ans Zamenhof commence à élaborer sa propre langue universelle. Ses études de médecine terminées, il reprendra et approfondira le projet : l’espéranto était né (1887).
Quelques années plus tard, en 1898, le mouvement démarrera à son tour en France.
L’espéranto est aujourd’hui parlé dans 120 pays, et on estime à plusieurs millions le nombre de ses locuteurs.
En savoir plus : esperanto-france.org/
La ville de Nitra, en Slovaquie, accueille jusqu’au 30 juillet le 101ème congrès mondial d’espéranto.
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