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Saint-Pierre et Miquelon, terre de pionniers et d’aventuriers

On ne sait pas toujours la situer. Pourtant Saint-Pierre et Miquelon mérite d’être connue. Et reconnue. Pour sa beauté singulière, son histoire tumultueuse, ses habitants nourris des vies aventureuses de leurs aînés.

Les historiens ne l’ignorent pas, au petit jeu de savoir qui a découvert quoi, on perd à tous les coups. Christophe Colomb n’a pas été le premier à rallier l’Amérique, d’autres, et bien avant lui, y étaient déjà parvenus. En langage contemporain, on peut simplement dire qu’il a été le navigateur ayant le mieux « médiatisé » son débarquement de 1492 sur les côtes du Nouveau Monde…

Jacques Cartier prend possession de Saint-Pierre et Miquelon en juin 1536 (dessin colorisé de Pierre Gandon).

Tout comme, davantage au nord, à une grosse centaine de kilomètres du rivage canadien, si c’est bien Jacques Cartier, au nom du roi François 1er, qui en juin 1536 a pris possession des trois îles que forment Saint-Pierre et Miquelon, nombreux sont ceux qui y avaient posé le pied avant lui. Et ce n’est pas non plus le navigateur malouin qui a baptisé du nom de Saint-Pierre le port principal de l’archipel.

Cette région du monde, et plus spécialement, cette terre de Saint-Pierre et Miquelon (la seule française subsistante de toute l’Amérique du nord) s’est bâtie, s’est développée grâce à des héros plus anonymes. Des pionniers, des aventuriers pas moins valeureux que les illustres envoyés officiels vers l’Amérique des rois de France, d’Espagne ou d’Angleterre…

Le drapeau de Saint-Pierre et Miquelon rend hommage aux pêcheurs basques, bretons et normands qui ont pris racines sur l’archipel.

Héros sans lauriers au premier rang desquels les mythiques terre-neuvas, pêcheurs – majoritairement normands, bretons et basques – venus dès le XVIème siècle mener campagnes dans les eaux poissonneuses du secteur. Dans les filets des Français, de la morue, au bout des harpons et lances des Basques, des baleines.

Tout au long du XVIème siècle, Saint-Pierre et Miquelon sert d’abord de base à ces pêcheurs. Un havre sécurisé dont il paraît vraisemblable qu’ils l’aient eux-mêmes appelé du nom de leur patron, Saint-Pierre. Et dès le tout début du XVIIème, on observe les premières installations permanentes, bâtiments destinés au traitement du poisson, commerces, hébergements…

Au XVIème siècle, Saint-Pierre et Miquelon sert d’abord de base aux pêcheurs, et puis progressivement de lieu permanent de vie.

L’archipel devient un lieu de vie. Pas de tout repos cependant. La rivalité franco-britannique sur le territoire canadien et les grandes crises liées à l’indépendance de l’Amérique, la Révolution française ou encore les guerres napoléoniennes ne sont pas sans conséquences. Au cours des XVIIème et XVIIIème siècles, Saint-Pierre sera mise à sac plusieurs fois, et les Anglais prendront et reprendront l’archipel à neuf reprises… La rétrocession définitive de Saint-Pierre et Miquelon à la France n’interviendra qu’à la Restauration…

C’est un siècle plus tard que d’autre batailles, aériennes cette fois (sans pour autant être militaires), se dérouleront pour partie au-dessus – et plausiblement autour – de l’archipel. Et là-encore, au petit jeu de qui a gagné, c’est l’incertitude qui demeure.

Le héros « officiel » à qui revient l’honneur de la première traversée de l’Atlantique en avion – parti de New-York la veille, il rejoint Paris le 21 mai 1927 -, son nom est définitivement entré dans l’histoire, c’est l’américain Charles Lindbergh. A n’en pas douter, un authentique exploit, une prouesse exceptionnelle. Mais pas inégalée. Ni pionnière. Le nier, ce serait ignorer que pas moins de huit ans auparavant, deux britanniques, John Alcock et Arthur Brown, avaient relié Terre-Neuve à l’Irlande.

Et que 12 jours avant le succès de Lindbergh, deux pilotes Français, Charles Nungesser et François Coli, s’étaient envolés de Paris pour rejoindre New-York à bord de leur avion L’Oiseau blanc. Ils étaient attendus le 9 mai aux Etats-Unis, ils ne sont jamais arrivés. Lindbergh ne les avait pas oubliés : à son arrivée au Bourget, il s’est immédiatement enquit du sort des deux Français.

Une rue de Paris rappelle la traversée de l’Atlantique, aux commandes de leur avion « L’Oiseau blanc », de Nungesser et Coli.

Parmi les différentes hypothèses concernant leur disparition, la plus crédible demeure toujours celle d’une tentative d’amerrissage qui a mal tourné. Le carburant venant à manquer parce qu’il avait fallu se dérouter en raison du mauvais temps, et ainsi contourner Terre-Neuve, du brouillard, les deux pilotes décident de se poser. Sur son bateau, Pierre-Marie Le Chevallier, un pêcheur de Saint-Pierre, témoignera avoir entendu à proximité le bourdonnement d’un avion suivi d’un énorme fracas. Il indiquera aussi que son chien, présent sur l’embarcation, s’est aussitôt mis à hurler à la mort.

En 2013, Erik Lindbergh, petit-fils de Charles Lindbergh, a participé en rade de Saint-Pierre et Miquelon aux recherches visant à retrouver « L’Oiseau blanc » de Nungesser et Coli.

Au cours de l’enquête, d’autres témoins, notamment de Terre-Neuve, certifieront sous serment avoir vu un avion au fuselage blanc, l’avoir distinctement entendu, puis avoir perçu une déflagration intense. Et ce n’est pas le moindre des arguments pour appuyer la thèse d’un accident survenu alors que la traversée était quasiment accomplie : Erik Lindbergh lui-même, petit-fils de Charles Lindbergh, a rendu hommage en 2013 aux deux aviateurs Français en jetant une gerbe de fleurs blanches en rade de Saint-Pierre.

Nungesser et Coli, c’était du temps de la prohibition aux Etats-Unis (1920-1933). Et Saint-Pierre et Miquelon, véritable plaque tournante de la contrebande destinée à alimenter ce marché alors interdit, y a joué un rôle prépondérant. Au point qu’une partie de la population a délaissé la pêche au profit de ce trafic plutôt lucratif. Au point qu’Al Capone en personne est venu sur place s’assurer de la bonne marche des « affaires ».

Mais comme toujours, on évoque moins les hommes de l’ombre. Saint-Pierrais, le jeune Henri Morazé est de ceux-là. Personnage picaresque, il devient un des organisateurs de la contrebande. Pas très recommandable, mais remarquablement efficace. Et apprécié de tous ceux à qui profite ce commerce illicite.

Un livre du journaliste Freddy Thomelin retrace le parcours tumultueux d’Henri Morazé, Saint-Pierrais très impliqué dans la contrebande d’alcool au moment de la prohibition, mais qui occupera par la suite des responsabilités au sein des institutions de l’archipel.

Morazé met en place des filières d’approvisionnement en whisky mais également en vins et spiritueux français. Et pour les acheminer vers les côtes américaines, il affrète des « go fast », des bateaux parfois équipés de moteurs d’avion pour échapper aux garde-côtes américains. Mais ces derniers ne se laissent pas distancer aussi facilement. Alors, face aux risques d’arraisonnement qui se multiplient, on prend les devants : en conditionnant désormais les bouteilles non plus dans des caisses en bois mais dans des sacs de toile de jute… qui coulent mieux lorsqu’il y a urgence à les jeter à la mer.

Les années passant, Henri Morazé s’assagit, il occupera même des responsabilités après-guerre au sein des institutions de l’archipel. Et sera nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1965…

Le 23 décembre 1941, des forces de la France Libre, emmenées par le vice-amiral Muselier (à droite sur la photo), prennent le contrôle de Saint-Pierre et Miquelon.

Bien qu’éloignée de la métropole, un peu « oubliée », discrète, Saint-Pierre et Miquelon n’échappe cependant pas à la deuxième Guerre mondiale. L’Administration de Vichy s’y impose dès 1940. Pas pour longtemps. Le 23 décembre 1941, malgré la désapprobation des Etats-Unis, des forces de la France Libre emmenées par le vice-amiral Muselier prennent le contrôle de l’archipel. Et un référendum organisé dès le lendemain indique que 98 % de la population se range derrière la France Libre.

Des chiffres – un plébiscite – qui n’empêchent pas des dissensions entre les militaires et gendarmes « gaullistes » et des habitants s’estimant parfois maltraités par eux… La cohabitation s’instaurera cependant peu à peu…    

Chateaubriand, dans ses Mémoires d’outre-tombe, évoque sa visite en 1791 à Saint-Pierre et Miquelon : « J’attendis qu’une rafale, arrachant le brouillard, me montra le lieu que j’habitais, et pour ainsi dire le visage de mes hôtes dans ce pays des ombres. »

Une telle terre d’aventure, sa beauté singulière, son climat sont autant de sources d’inspiration pour les artistes. Et d’artistes, natifs ou non, l’archipel n’en manque pas. Ceux qui y sont passés : Chateaubriand, qui en fera écho dans ses Mémoires d’outre-tombe, Céline, qui s’y est aussi rendu et racontera dans D’un château l’autre comment il a demandé à Pétain et Laval d’être nommé gouverneur de l’archipel, le chanteur et voyageur Antoine, qui, enfant, y a vécu quelques années… 

Et ceux d’aujourd’hui : peintres, dessinateurs, graveurs, photographes, musiciens… Connus, comme les plasticiens et créateurs de timbres (voir encadré) Raphaële Goineau, Patrick Dérible, Jean-Jacques Oliviero…

Et bien sûr, plus anonymes mais tous aussi productifs et intéressants, tous ceux qui contribuent par leurs travaux à rendre compte de l’exceptionnelle richesse naturelle et humaine de ce petit bout Français d’Amérique…  

Rodolphe Pays

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Repères

  • L’archipel comporte 4 îles principales : Saint-Pierre, Miquelon, Langlade et L’île aux marins.
  • 6000 habitants
  • 242 km2
  • 4600 km de Paris
  • 5 musées

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Des timbres et des artistes renommés

Les émissions philatéliques de Saint-Pierre et Miquelon sont appréciées et recherchées partout dans le monde. Et depuis très longtemps. Une notoriété qui doit beaucoup au particularisme du processus de conception des timbres de l’archipel : le statut de Saint-Pierre et Miquelon lui permet en effet d’être décideur – via la commission philatélique de la collectivité – des thèmes et choix artistiques des timbres.

Raphaëlle Goineau, dessinatrice, peintre de la Marine (photo ATG Le Tiec).

Avec comme conséquence une production significative pour un territoire aussi peu étendu. Et des timbres témoignant des beautés et originalités des îles souvent créés par des artistes locaux – Raphaële Goineau, Patrick Dérible, Jean-Jacques Oliviero… – dont la réputation s’étend bien au-delà des limites de l’archipel.

Patrick Dérible, peintre, dessinateur, passionné d’images (photo ATG Le Tiec).
Jean-Jacques Oliviero, dessinateur, photographe, homme de théâtre…

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L’association L’Art du Timbre Gravé (ATG) consacre le numéro de juin de sa revue Del.&Sculp. à Saint-Pierre et Miquelon et ses artistes (et propose également un entretien avec le directeur de La Poste de l’archipel).

Des représentants de l’ATG et des artistes se retrouveront au cours de l’été à l’occasion d’un événement philatélique organisé sur l’archipel.

En savoir plus sur l’ATG : https://www.artdutimbregrave.com/

Deux cartes blanches envoyées par le musée de La Poste

« Transmissions », la vocation – fondatrice – de La Poste, celle aussi des artistes… : quel meilleur titre aurait pu être trouvé à cette nouvelle exposition du musée de La Poste, une carte blanche à deux créateurs – aux univers et aux pratiques bien distincts – qui traduisent, détaillent ou encore exaltent le courrier et les timbres, les métiers qui y sont liés, les moyens employés de toute nature, les coulisses méconnues…

Transmissions, la nouvelle expo du Musée de La Poste, associe patrimoine postal et art contemporain (photo Thierry Debonnaire).

« Cette carte blanche à deux créateurs, une première au musée, occupe une place désormais importante pour nous, marque une étape, indique Anne Nicolas, la directrice du musée de La Poste. Avec cette exposition originale, nous souhaitons affirmer le lien à tisser entre patrimoine postal et art contemporain. »

Si l’association ainsi posée entre l’histoire de l’aventure postale et le regard que portent sur elle des artistes novateurs devra être « validée » par les visiteurs, on peut déjà affirmer que l’intention affichée et sa première traduction concrète sont prometteuses.

Les deux artistes conviés – Dominique Blais et Madame – se sont investis un an pour ce projet. En s’imprégnant d’abord de tous les univers postaux à travers de nombreuses visites des collections et du centre de ressources du musée comme d’établissements de traitement du courrier.

Puis en restituant chacun à leur manière – plus conceptuelle pour Dominique Blais, plus « matérielle » pour Madame – leurs ressentis, leur visions, leurs interprétations.

Résultat : une quarantaine d’œuvres – toutes inédites – ont été réalisées. Faisant référence aussi bien aux équipements techniques de l’entreprise Poste qu’à des objets emblématiques de l’histoire postale. Avec une place significative accordée également à la philatélie et à la gravure.

« Tout ce parcours créatif – ponctué de pièces des collections positionnées en regard des œuvres – est placé sous le signe d’une totale liberté, car si nous avons choisi les artistes, nous n’avons pas choisi leurs travaux, précise Céline Neveux, la commissaire de l’exposition. Cet accrochage, c’est d’abord une belle rencontre, celle de deux créateurs aux approches et aux expressions très différentes, l’addition de deux talents, leur synergie. »

« Ce parcours créatif, ponctué de pièces des collections positionnées en regard des œuvres, est placé sous le signe d’une totale liberté. » Céline Neveux, commissaire de l’exposition.

C’est Dominique Blais qui ouvre la présentation. Par des écrans géants montrant des rouages de machines de tri filmés en gros plan. Puis, juxtaposées, une maquette de télégraphe Chappe issue des collections et la reproduction qu’en a faite l’artiste sous forme de néons renvoyant une violente lumière blanche, comme pour rappeler le principe de visibilité des signaux émis de ce premier système de télécommunications.

Dominique Blais, qui s’intéresse à tout ce qui n’est pas immédiatement visible, perceptible, a aussi voulu mettre en exergue les marques discrètes, quasi secrètes, connues des seuls spécialistes, apparaissant à l’occasion sur les feuilles d’impression de timbres ou sur les timbres eux-mêmes.

C’est Dominique Blais qui ouvre la présentation, par des écrans géants montrant des rouages de machines de tri filmés en gros plan.

En très grands formats (parfois même sur des hauteurs entières de murs). Sont ainsi révélés, toujours auprès des pièces originales : les guillochis, motifs en marge de feuilles de timbres destinés à empêcher des faussaires d’utiliser les bords ; les burelés, motifs intégrés à des timbres de valeurs dont la vocation est également « sécuritaire » ; les losanges répétés sur les marges du haut et du bas des feuilles de timbres, gravés sur le cylindre d’impression, ils permettent de répartir la pression et de protéger la matrice de l’usure.

Des « sons » aussi, avec cette voix d’enfant qui énumère des intitulés d’objets présents dans le musée. Une œuvre conçue en référence à la « Sonorine » (une innovation postale lancée au début du XXème siècle), carte postale munie d’un disque autorisant l’enregistrement et l’envoi de messages oraux à un destinataire…

Au centre de l’exposition, une fresque autour du thème du « pneumatique » réunit Dominique Blais (œuvre de gauche) et Madame.

Place ensuite à Madame. Et à son goût viscéral pour la matière, pour toutes les matières, papier, carton, bois, verre, plomb, tissu…

De petites installations, comme des tableaux en trois dimensions ou des maquettes de décors de théâtre (l’artiste a d’abord été comédienne), rendent hommage au courrier, aux cartes postales, à leurs contenus, aux timbres aussi. Elles suggèrent des ambiances, des histoires… Elles sont toutes légendées par de courts textes, une constante chez Madame. Et souvent mobiles, les visiteurs ayant la possibilité, via des leviers ou des manivelles, d’articuler les saynètes représentées…

Les petits tableaux en trois dimensions de Madame rendent hommage au courrier, aux cartes postales, à leurs contenus, aux timbres aussi…

Même principe pour la quarantaine de « boîtes à images » (40 « bougies », selon l’artiste, comme celles d’un anniversaire… ), autant de plaques d’impression de cartes postales anciennes traversées de lumière vive qui allument des images romantiques, presque religieuses. A chacun de ces cadres est attaché un fil, comme pour rappeler l’idée de connexion, de transmission…

« Quand j’ai visité, arpenté le musée, j’ai été touché par certains objets, les boules de Moulins par exemple, raconte Madame. Cette volonté de faire passer à tout prix du courrier pendant le siège de Paris en 1870, l’échec de la tentative à cause de la Seine gelée, ça m’a interpellée, j’ai voulu évoquer ça aussi. » C’est ainsi qu’aux côtés d’une « vraie » boule de Moulins, les visiteurs peuvent observer une sœur de cœur réalisée en drap de veste de postier… et contenant également du courrier.     

Et puis des collages sur de vastes surfaces. Du street art, que Madame pratique régulièrement. Dédicaces imposantes à la lettre, au « pneumatique » à nouveau…

Madame à sa table de travail, un authentique poste de tri de facteur, avec son plateau, ses casiers…

Pour finir, la table de travail de l’artiste : un authentique poste de tri de facteur, avec son plateau, ses casiers. Pas un artifice, l’objet lui appartient bien en propre. Elle y a beaucoup œuvré et a décidé d’y disposer toutes les chutes de papier, de carton, de tissu qu’elle a accumulées lors de la préparation de l’exposition. Comment mieux symboliser la démarche actuelle du musée de La Poste de tisser le lien entre patrimoine postal et art contemporain.

Rodolphe Pays

Expo Transmissions, carte blanche à Madame et Dominique Blais, jusqu’au 18 septembre au musée de La Poste, 34 bd de Vaugirard, Paris 15ème. Ouvert de 11h à 18 h (fermé le mardi). Nocturne le jeudi jusqu’à 21 h. Renseignements au 01 42 79 24 24.

En savoir plus sur Transmissions, les événements proposés autour de l’exposition et sur le musée de La Poste : Exhibitions & Events | Musée de La Poste (museedelaposte.fr)

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Autour de Transmissions

A la boutique du musée de La Poste, on peut prolonger sa visite en achetant l’album de l’exposition (56 pages, 14,90 euros), son collector de huit timbres à validité permanente (12,30 euros), des ouvrages des artistes, des magnets et des tote-bags souvenirs…

L’album…

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Le collector…

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Minis bios

Madame…

D’abord comédienne et scénographe, Madame se tourne ensuite vers les arts plastiques, collage, sculpture, peinture… En grand comme en petit format. En atelier, dans la rue. Elle crée beaucoup de pièces en volume, utilise de multiples matériaux, articule ses œuvres (en s’inspirant et en déconstruisant souvent l’iconographie – magazines, cartes postales… – ancienne) avec de courts textes qui interrogent, favorise le dialogue. Dans son travail, le théâtre, la mise en scène, ses formations initiales, ne sont jamais loin… La seule chose qu’elle n’aime pas afficher, son visage…

Dominique Blais…

Formé aux Beaux-arts de Nantes puis aux Arts et Métiers à Paris, Dominique Blais est aussi maître de conférence associé à l’école des arts de la Sorbonne. Artiste « conceptuel », il tisse en permanence des liens entre les composantes visuelles et sonores (il a longtemps œuvré dans le domaine musical) de notre environnement. Dominique Blais, à travers les aspects invisibles, marginaux, méconnus des thèmes qu’il aborde, conçoit des installations qui questionnent le rapport au lieu, à la mémoire…

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Texte et photos : Rodolphe Pays

(article également publié sur le site de l’association L’art du Timbre Gravé : https://www.artdutimbregrave.com/actualite/)

Des maisons peintes avec soins…

Evoquer les maisons, toutes les maisons, observées, rêvées, fantasmées… : c’est l’objet de la nouvelle exposition du Musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte-Anne.

Plus d’une centaine d’œuvres – peintures, dessins… – réalisées depuis près d’un siècle et demi par des patients soignés pour des troubles mentaux y sont présentées. Un accrochage passionnant et émouvant…

Il est des lieux dont l’évocation met mal à l’aise. L’hôpital parisien Sainte-Anne est de ceux-là. Mais on aurait tort de s’en tenir là…

Il y a des lieux dont la seule évocation met un peu mal à l’aise, ou prête à sourire d’un air entendu. Des lieux dont on espère ne jamais avoir à franchir les portes. L’hôpital parisien Sainte-Anne est de ceux-là. Les troubles mentaux ou comportementaux que l’on y traite depuis plus d’un siècle et demi ont « logiquement » forgé la réputation inquiétante de l’endroit.

Mais on aurait tort de s’en tenir là comme de s’en tenir à l’écart : s’il est vrai qu’avant tout on y soigne, c’est moins connu, mais on y célèbre aussi la beauté, la créativité, d’innombrables formes d’espaces de liberté…

L’hôpital Sainte-Anne possède un séduisant musée qui propose chaque année deux belles expositions. Celle en cours s’intéresse aux « maisons »…

L’établissement de santé possède en effet en son sein un séduisant musée – le MAHHSA, Musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte-Anne – qui propose chaque année deux très belles expositions (abritées dans de splendides anciennes salles de garde).

Nourries de fonds d’œuvres réalisées sur place par les patients depuis le XIXème siècle ou dans des établissements hospitaliers comparables du monde entier, ces présentations méritent largement le détour.

Deux splendides anciennes salles de garde abritent les expositions du musée…

Celle en cours s’intéresse aux « maisons » et réunit plus d’une centaine d’œuvres picturalement talentueuses et évocatrices des préoccupations, des rêves et des projections mentales de leurs auteurs.

« Dans l’histoire de l’art, peu d’artistes ont fait le choix de ce thème comme sujet principal de leurs travaux, indique Margaux Pisteur, chargée de collection et co-commissaire de l’exposition avec Anne-Marie Dubois, la responsable scientifique du musée. Ce parcours trace le chemin qui mène à la maison, à toutes les maisons, réelles, imaginées, intimes, apaisantes… »

L’exposition « Maisons » réunit plus d’une centaine d’œuvres réalisées par des patients soignés à l’hôpital Sainte-Anne et dans des établissements de santé comparables du monde entier.

L’originalité de la thématique est idéalement illustrée par des œuvres souvent remarquables. Conçues par des patients artistes autant que par des néophytes imaginatifs. Elaborées individuellement ou dans le cadre d’ateliers « d’art-thérapie ».

« A la centaine de créations réalisée par des gens atteints de troubles mentaux, nous avons également voulu associer une quinzaine de travaux sur le même thème exécutés par des artistes contemporains, poursuit Margaux Pisteur. Ce dialogue participe aussi à la volonté de déstigmatiser le regard porté sur les œuvres produites en contexte hospitalier. »

Art brut, asilaire, psychopathologique, peu importe l’appellation qu’on lui donne, c’est de l’art tout court qui est présenté dans cet accrochage.

Art brut, art asilaire, art psychopathologique, peu importe l’appellation que l’on peut rattacher à ces peintures, à ces dessins, c’est d’art tout court dont il s’agit.

Toutes techniques et moyens confondus (gouache, aquarelle, fusain, encre, feutres, stylos à bille, crayons… ), ces œuvres témoignent du quotidien concret ou fantasmé d’hommes et de femmes qui ont parfois passé l’essentiel de leur vie internés.

Des œuvres qui témoignent du quotidien concret ou fantasmé d’hommes et de femmes qui ont parfois passé l’essentiel de leur vie internés.

Y sont dépeints les ateliers d’activité organisés dans ces établissements de soins mentaux (arts plastiques, couture… ), les espaces techniques (cuisines, buanderie… ), les lieux de détente (salle de jeux, de repos… ).

Les bâtiments hospitaliers y sont aussi largement reproduits, sous divers angles, parfois enrichis de « didascalies » de l’auteur, indiquant avec précision par exemple la nature de travaux nécessaires à entreprendre…

Bâtisses construites, déconstruites, habitées, désertes, en couleur, en noir et blanc, abstraites, figuratives…

Et puis, on franchit les murs de l’hôpital, pour se projeter vers d’autres demeures, d’enfance, oniriques, espérées… Des églises au centre de villages, des châteaux… Des jardins, et des intérieurs, avec leurs meubles, leurs « natures mortes »… Des scènes champêtres, familiales…

La palette est riche, les talents multiples : bâtisses construites, déconstruites, habitées, désertes, en couleur, en noir et blanc, abstraites, figuratives…

Les œuvres ne sont pas toutes signées. C’est aussi le mérite de cette exposition que de faire « revivre » ces anonymes dont on a perdu la trace, dont on ignore désormais tout.

Ces œuvres ne sont pas toutes signées. Et ce n’est pas le moindre mérite de cette exposition que de faire « revivre », via leurs travaux, ces anonymes dont on a perdu la trace, dont on ignore désormais tout.

Oui, on aurait tort d’hésiter à franchir les portes de l’hôpital Sainte-Anne. D’abord parce que cette exposition, par sa qualité et son originalité, ne peut que ravir les amateurs d’art. Et aussi parce que, au sortir de l’accrochage, il fait bon passer un moment dans les jardins, les allées, les galeries parsemés d’autres œuvres d’art de ce lieu singulier…

Rodolphe Pays

Maisons, jusqu’au 17 avril 2022, au Musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, Paris 14ème. Ouvert du mercredi au dimanche de 13 h à 19 h. Plein tarif, 5 euros, gratuit pour les Amis du musée, les moins de 26 ans, les demandeurs d’emploi… (Tél. : 01 45 65 86 96).

En savoir plus : https://musee.mahhsa.fr/

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Un catalogue enrichi de la biographie des artistes

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Les éditions In Fine ont réalisé pour l’exposition Maisons un catalogue particulièrement intéressant. Si l’ouvrage reproduit avec soin les tableaux et dessins exposés, il s’attache aussi à rendre hommage (quand cela a été possible, les auteurs d’un certain nombre d’œuvres n’ayant pu être identifiés) à chacun des artistes présents.

Ces courtes biographies permettent ainsi de retracer leurs parcours de vie et de création. Et leur lecture est édifiante : réunis par leurs mêmes tourments, s’y côtoient des fils de famille éduqués, des artistes « empêchés », des autodidactes…

Le catalogue donne aussi la transcription des quelques écrits partiellement illustrés qui figurent dans l’exposition.

Catalogue co-édité par le musée d’Art et d’Histoire de l’Hôpital Sainte-Anne et In Fine Editions, 165 pages, 25 euros. Disponible à la boutique du MAHHSA et en librairie.

En savoir plus : In Fine – Éditions d’art (infine-editions.fr)

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Article publié par les éditions DOCSITE, texte et photos Rodolphe Pays.

1961 : apparition à la télé de carrés blanc et dentelés

Jacqueline Caurat s’est éteinte le 22 mai dernier. En 2019, elle avait raconté sur ce blog son parcours de comédienne, speakerine et surtout journaliste et présentatrice de Télé-Philatélie pendant plus de deux décennies.

Cette année marque le 60ème anniversaire de cette émission, qu’elle avait créée avec son mari Jacques Mancier.

Rappel et hommage…

L’introduction à la télévision du petit carré blanc – un « avertissement » que les plus jeunes (et même les plus tout jeunes) n’ont pas connu… et qui les ferait sans doute largement sourire aujourd’hui – date du 26 mars 1961.

26 mars 1961 : le carré blanc fait son apparition à la télévision.

Quelques semaines auparavant, d’autres petits carrés étaient apparus sur les écrans de la première – et unique à l’époque – chaîne de télévision française. Des petits carrés le plus souvent de couleur – mais on devait alors se contenter de les observer en noir et blanc -, et tous dentelés. On était le 25 janvier 1961, il y a 60 ans. Ces petites « vignettes », c’étaient des timbres-poste. Et l’émission, dont c’était ce jour-là le lancement, s’appelait Télé-Philatélie.

Quelques semaines avant le « carré blanc », des carrés de couleur avaient fait leur entrée sur le petit écran. On était le 25 janvier, et l’aventure Télé-Philatélie démarrait…

Au sommaire de cette première édition de Télé-Philatélie, du « beau monde », et aussi de beaux contenus : une interview du ministre des PTT de l’époque, Michel Maurice-Bokanowski, dans laquelle il dévoilait la programmation philatélique de l’année, des reportages, des sujets sur les récentes émissions de timbres et les expositions y étant consacrées, un entretien avec Jean Cocteau, dessinateur de la nouvelle Marianne

C’est un succès. Même sans les audimats d’aujourd’hui, avec le courrier des lecteurs des magazines télés, à l’appui de micro-trottoirs, on constate alors tout l’intérêt des téléspectateurs. Et aussi celui de beaucoup de gens de télévision. Ce premier numéro de Télé-Philatélie allait être suivi de très nombreux autres.

De 1961 à 1983, Jacqueline Caurat et son mari Jacques Mancier, coproducteur du programme, ont proposé pas moins de 350 émissions consacrées à la philatélie.

Au total, ce seront ainsi pas moins de 350 émissions qui allaient être proposées par Jacqueline Caurat et son mari Jacques Mancier, coproducteur du programme. Une longue série regardée non seulement par les philatélistes, mais aussi par les amateurs d’art ainsi que le « grand public », intéressé par ce que les timbres véhiculent de culture.

D’abord bi-mensuelle, Télé-Philatélie est à l’antenne un vendredi soir sur deux à 18 h 30. Elle devient mensuelle en 1970 et s’intitulera ensuite Philatélie-Club à partir de 1974. Attrait supplémentaire pour les téléspectateurs, toute la richesse picturale et chromatique de ces petits carrés (et rectangles) dentelés apparaît réellement en 1975, lorsque l’émission est désormais diffusée en couleur.

Philatélie-Club continuera ainsi d’informer les téléspectateurs sur l’actualité philatélique jusqu’en 1983. En 22 ans – la plus grande longévité d’une émission spécialisée télévisée -, Télé-Philatélie puis Philatélie-Club auront couvert tout ce qui concerne l’univers des timbres : programmation philatélique, histoire postale, expositions internationales, entretiens avec des artistes, des passionnés, reportages sur les grands collectionneurs, musées postaux, ventes aux enchères…

Télé-Philatélie est devenue Philatélie-Club en 1974, avec toujours aux commandes Jacqueline Caurat et Jacques Mancier.

A l’occasion du 50ème anniversaire de la naissance de Télé-Philatélie, le musée de La Poste avait rendu hommage au travail culturel et pédagogique mené par Jacqueline Caurat tout au long de ces années.

La présentation du cabinet des trésors philatéliques du musée avait pour l’occasion retracé quelques épisodes de cette formidable aventure, symbolisant et résumant tout ce que ces émissions ont apporté de connaissances, d’ouverture sur le monde et d’accompagnement de la créativité.

Désormais, la petit « carré blanc » n’apparaît plus en bas à droite de nos écrans plats. Il a cependant été remplacé par des incrustations qui jouent au fond le même rôle.

Comme le carré blanc, les petites carrés de couleur dentelés ont eux-aussi disparu depuis des années…

Quant aux petits carrés de couleur dentelés, ils ont, eux, totalement disparu du petit écran. Ce que déplorait souvent Jacqueline Caurat. Pour elle, ces vecteurs de savoirs, de pédagogie, ces passerelles entre les générations, auraient encore eu toute leur place à la télévision. Sous d‘autres formes, actualisées, contemporaines, adaptées aux regards d’aujourd’hui…

Pour Jacqueline Caurat, ces vecteurs de savoirs, de pédagogie, ces passerelles entre les générations que sont les timbres, auraient encore eu toute leur place à la télévision…

Y a-t-il des gens de télévision pour y songer ? Ce serait une ouverture originale sur la culture, sur toutes les cultures que le timbre accompagne et illustre depuis près de deux siècles, que d’au moins tenter l’expérience. Et un bel hommage à Jacqueline Caurat…

Rodolphe Pays

Paris de Dufy réussi au musée de Montmartre

On connaît Raoul Dufy (1877-1953) sans toujours savoir grand-chose de son œuvre pourtant considérable. S’il a beaucoup montré la Normandie et le midi, l’artiste s’est aussi intensément consacré à Paris.

Avec un accrochage une nouvelle fois original, le musée de Montmartre permet jusqu’en janvier de découvrir les visions de la capitale de ce grand plasticien du XXème siècle.

Près de 13 ans que Raoul Dufy n’avait pas été exposé à Paris. Le musée de Montmartre propose cet été et tout l’automne un accrochage consacré à sa vision de Paris.

Assez peu présent dans les collections des musées, pas si fréquemment exposé, on oublie bien souvent Raoul Dufy. Les « bonnes » raisons invoquées ne manquent pas : trop touche-à-tout, donc dilettante, trop prolifique, donc peu crédible, trop tourné vers le « bonheur », l’apparente légèreté, donc futile…

Les réputations – plus forgées au long  du XXème siècle par certains critiques que par les amateurs d’art – ont la vie dure, près de treize ans en effet que cet artiste de tous les talents n’avait vu son travail faire l’objet d’une présentation à Paris. Le « mal » est en partie réparé : le musée de Montmartre, toujours concepteur d’accrochages de grande qualité, fait fi des condescendances et lui consacre tout l’été et cet automne une très intéressante et éclairante exposition.

Et particulièrement originale, puisqu’elle s’attache à montrer le regard de Dufy sur Paris. Davantage connu pour avoir dépeint sa Normandie natale, son midi d’adoption et nombre de champs de course, Dufy a cependant très jeune tissé des liens – qui demeureront définitifs – avec la capitale. Et spécialement avec Montmartre (il a même séjourné un temps dans un des ateliers d’artistes installés à l’époque dans le musée), quartier où il a posé des années durant ses pinceaux et chevalets.

La relation de Dufy avec Paris s’est amorcée l’année de ses 13 ans à l’occasion d’un séjour passé chez un oncle et une tante lors de l’été 1890. Un courrier qu’il adresse le 4 juillet pour donner des nouvelles à ses parents dévoile déjà son attrait et son aptitude pour l’art et le dessin. Il y évoque un tableau de l’appartement « qui fait très bien là où il est », « les méthodes et les boîtes de peinture de mon oncle Besnier » et il signe sa missive d’un dessin légendé assez maîtrisé représentant un fiacre parisien de la compagnie de l’ouest.

Dans une lettre à ses parents lors de son premier séjour à Paris, le jeune Raoul Dufy dévoile déjà son attrait et son aptitude pour le dessin.

C’est cette lettre qui ouvre l’exposition. Suivie de deux autoportraits placés côte à côte – un « Rastignac » et un « moderne » – qui dévoilent déjà toute la richesse du vocabulaire pictural de l’artiste.

« En plus de son atelier de l’impasse Guelma à Montmartre, qui était un peu son ancrage parisien, Dufy avait des ateliers, ou plutôt des chambres qu’il utilisait pour travailler, un peu partout dans Paris, raconte Didier Schulmann, l’un des deux commissaires de l’exposition. Il a beaucoup peint tous ces endroits, et contrairement à ce qu’il a pu faire ailleurs, il n’a le plus souvent pas cherché à retranscrire l’agitation de la ville, les fiacres, les passants, ce qui l’a plus intéressé, ce sont les lieux, les bâtiments, leur âme. »

Didier Schulmann, co-commissaire de l’exposition : « En plus de celui de Montmartre, Dufy avait des ateliers, ou plutôt des chambres qu’il utilisait pour travailler, un peu partout dans Paris.  »

On retrouve ainsi par exemple, au fil de l’exposition, des toiles montrant à la fois l’intérieur de l’atelier Guelma, un bout de couloir étroit, une chambre qui se profile au fond, et son extérieur, via une porte-fenêtre grande ouverte, s’y dressent les façades des immeubles alentour, apparaît un fragment de trottoir…

Des salles de concert aussi (Dufy était un mélomane averti et éclectique, partout où il se déplaçait, il ne manquait pas d’assister à des spectacles musicaux). « Là encore, peu de spectateurs, peu de musiciens, explique Didier Schulmann. C’est le son des orchestres qu’il tentait de faire sentir, l’ambiance du lieu. »

En peignant des salles de concert, Dufy, mélomane averti, cherchait d’abord à rendre le son des orchestres, l’ambiance du lieu.

Plus avant dans l’expo, deux tableaux au sujet identique, le même bord de Seine près de Paris, la même demeure à l’arrière, et là non plus pas âme qui vive. L’un achevé, l’autre non. « La juxtaposition de ces deux œuvres pourrait éloquemment illustrer un des griefs faits à Dufy, celui de la profusion, de la non-sélection, indique Saskia Ooms, la conservatrice du musée et co-commissaire de l’exposition. Mais ce que cela nous apprend surtout, si Dufy conservait tout, c’est qu’il considérait que faire fausse route, se retrouver dans une impasse n’était pas un échec mais déjà une tentative, et que celle-ci faisait partie intégrante de son travail. »   

Dans la plupart des toiles présentées (pas toutes absentes de personnages, une salle est consacrée aux « nus » en atelier, une autre aux robes et leurs modèles, aux guerriers africains… ), on retrouve la « signature » de Dufy, sa patte, la distorsion entre le trait et la couleur. Après l’expérimentation, la confrontation avec les courants artistiques de sa jeunesse, sa période fauve, cubiste, le peintre a tracé sa voie, son originalité, l’expression qui convient le mieux à ses intentions : la couleur (notamment le bleu, pour Dufy « la seule couleur qui, à tous ses degrés, conserve sa propre individualité ») qui s’avance, s’invite, déborde, prend l’ascendant.

Présentée en trois volets, l’immense lithographie reproduisant la Fée électricité, l’œuvre la plus célèbre de Dufy (une commande de la Compagnie parisienne de distribution d’électricité pour l’exposition universelle de 1937), traduit à elle-seule ces caractéristiques du style du peintre. « Nous ne pouvions exposer les indéplaçables 600 mètres carrés de l’œuvre originale installée au musée d’art moderne de Paris, explique Saskia Ooms, mais la pièce que nous proposons est bien plus qu’une réplique, 70 %  de cette litho ont été retouchés par Dufy lui-même, il en a rehaussé des couleurs, modifié certains aspects, ajouté des éléments. »

Saskia Ooms, conservatrice du musée de Montmartre : « La lithographie de La Fée électricité que nous proposons est bien plus qu’une réplique, 70 % de cette reproduction ont été retouchés par Dufy lui-même. »

Paris est aussi très présent dans les autres disciplines auxquelles Dufy s’est consacré. Son art, son eccéité se retrouvent ainsi notamment dans l’intense activité de décorateur de tissu – mais il a aussi été graveur, céramiste, décorateur d’intérieur, de théâtre… – qu’il a exercée sans relâche durant une dizaine d’années, période pendant laquelle il a pratiquement abandonné la peinture.

« Nous avons choisi de dédier une salle entière de l’exposition à des sièges recouverts de tissus dessinés par Dufy et tissés par les ateliers de textile de Beauvais et Aubusson, explique Didier Schulmann. Les scènes représentées sur les assises et les dossiers de ces fauteuils montrent des bâtiments traditionnels de Paris, que Dufy a choisi de traiter avec tout son talent de manière à la fois convenue et comme un peu désinvolte. » 

Une salle entière de l’exposition est dédiée aux sièges recouverts de tissus dessinés par Dufy et tissés par les ateliers de textile de Beauvais et d’Aubusson.

Tissu toujours et sur le même thème que ces sièges, avec le large paravent que Dufy a conçu en partie d’après des gravures de Paris des XVIIème et XVIIIème siècles. Une vision actualisée, la Tour Eiffel apparaissant en bonne place de cette vue aérienne de la capitale.

Et puis des illustrations d’ouvrages, notamment de textes d’Apollinaire, qui fut un de ses amis, des études préparatoires pour des cartes de vœux, des gravures pour papiers à en-tête… Des photos des ateliers de l’artiste.

L’exposition présente aussi des illustrations d’ouvrages réalisées par Dufy, ainsi que des études préparatoires et des photos de modèles et d’ateliers du peintre.

Une exposition très riche (plus de 200 œuvres et documents), passionnante, abritée dans l’écrin merveilleux du musée de Montmartre… et prolongée jusqu’au tout début 2022.

Rodolphe Pays

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Le Paris de Dufy, jusqu’au 2 janvier 2022, au musée de Montmartre-Jardins Renoir, 12 rue Cortot, Paris 18ème. Ouvert tous les jours de 10 h à 19 h jusqu’en septembre, de 10 h à 18 h d’octobre à mars. Tél. : 01 49 25 89 39.

En savoir plus : https://museedemontmartre.fr/exposition/exposition-dufy-au-musee-de-montmartre/

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Un catalogue/livre d’art

C’est un catalogue bien sûr, celui de l’exposition, mais c’est bien plus que cela encore, un véritable ouvrage d’art – la marque de fabrique d’In Fine éditions d’art – qui ne dépare pas dans le rayon dédié aux beaux livres d’une bibliothèque.

Originalité en forme de clin d’œil (en même temps que de rappel historique), il s’ouvre par une lettre faisant part à Geneviève Rossillon, la présidente du musée de Montmartre, de la satisfaction de son auteur pour ce nouvel accrochage, missive signée… Raoul Dufy.

Et se poursuit par une succession d’essais écrits par Didier Schulmann et Saskia Ooms, les deux commissaires de l’exposition, ainsi que par Sophie Krebs, Romy Golan et Fanny Guillon-Laffaille, trois membres du comité scientifique ayant travaillé sur le projet.

Autant de textes, appuyés de photos d’archives, riches d’informations et de précisions sur la vie, l’œuvre, les multiples pratiques artistiques, les influences – reçues comme transmises -, les liens avec les marchands d’art de Raoul Dufy.

Toutes les œuvres exposées sont ensuite présentées et détaillées, avec un soin tout particulier apporté à la qualité des images. De la belle ouvrage…

Catalogue co-édité par le musée de Montmartre et In Fine éditions d’art (bilingue français/anglais – 175 pages – 19,95 euros).

En savoir plus : In Fine – Éditions d’art (infine-editions.fr)

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Article publié par les éditions DOCSITE, texte et photos Rodolphe Pays.


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